« Les soins infirmiers médico-légaux, ou forensic nursing, constituent une science infirmière qui construit des ponts »

Le forensic nursing est une science infirmière qui jette des ponts entre le système de santé et l’ordre juridique. Les forensic nurses sont spécialisées dans la le repérage, l’examen et la prise en charge des cas de violences interpersonnelles. Elles connaissent les aspects juridiques et savent comment réagir et avec qui communiquer, en cas de soupçon de mauvais traitements. Il est en effet souvent difficile de déterminer si un épisode violent a réellement eu lieu.

Le personnel soignant doit toujours étayer ses observations par des faits. C’est assez simple quand il s’agit par exemple d’une inflammation : le patient a de la fièvre, des valeurs inflammatoires élevées, voire une plaie rouge. C’est plus compliqué dans les cas de violence : Comment décrire un étrange pressentiment ? Dans notre filière CAS en forensic nursing, les étudiant∙e∙s apprennent à déclarer en toute objectivité, indépendamment de leurs pressentiments et sans interprétation, les observations indiquant de la violence. Les forensic nurses documentent leurs constatations et veillent à ce qu’elles soient d’emblée disponibles pour une éventuelle procédure pénale. En outre, les cas pertinents font l’objet de rapports interdisciplinaires établis avec des médecins ainsi qu’avec le service juridique. Toute personne prise en charge reçoit en outre des conseils sur les offres d’aide en place ainsi que sur les différentes procédures possibles.

Il est possible de travailler dans différents établissements de santé, comme les hôpitaux et les homes. Rares sont toutefois les sages-femmes et les infirmiers qui parviennent à faire reconnaître cette formation complémentaire. Il faut dire qu’il s’agit en Suisse d’un domaine d’activité encore nouveau : une formation continue en gestion des plaies parle davantage aux employeurs. Le manque chronique de main-d’œuvre n’arrange rien : accaparés au quotidien par les soins et l’accompagnement nécessaires, le personnel infirmier et les sages-femmes ne peuvent guère s’occuper des patient∙e∙s comme gestionnaires de cas. D’où une frustration légitime. À quoi bon se perfectionner, si le savoir ainsi acquis ne peut être utilisé au quotidien ?

Le personnel infirmier et les sages-femmes sont souvent les premiers interlocuteurs des victimes. Par conséquent, nous apprenons aux forensic nurses à établir un constat et à préserver les traces – c’est important même si la personne ne souhaite pas directement porter plainte, pour que dans ce cas de figure aussi les preuves soient préservées. En outre, si le personnel soignant a reçu une sensibilisation pour pouvoir repérer les indices et les facteurs de risque de violence domestique et identifier très tôt de tels cas, il sera possible d’introduire de bonne heure des offres de soutien aux victimes.

Une bonne gestion de la violence domestique et sexuelle suppose encore que le cadre juridique soit familier au personnel soignant. Il doit ainsi connaître les dispositions légales applicables, par exemple à quelles conditions une plainte peut ou doit être déposée auprès des autorités de poursuite pénale.

Les programmes de formation du personnel infirmier et des sages-femmes étant très chargés, il est difficile d’y intégrer une nouvelle matière. En outre, le personnel enseignant et les autres spécialistes qualifiés sont rares. Par chance, la pertinence du thème pour le secteur de la santé tend à être toujours mieux reconnue. Le plan d’action national pour la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul a aussi joué un rôle ici, car les cantons développent désormais des mesures et l’OFSP s’intéresse à son tour à la question. Nous tenons beaucoup à ce que la perspective du personnel de santé soit prise en compte de bonne heure, dans la mise au point des programmes et mesures utiles.

J’espère qu’elle va encourager les échanges entre régions, entre établissements et dans le monde de la santé. En effet, la violence n’est pas seulement l’affaire des sages-femmes et des infirmières, mais un enjeu pour tous les domaines médicaux – partout où l’on travaille avec des patients.

J’espère encore que des événements comme celui-ci favoriseront le forensic nursing en tant que spécialisation importante, et que les infirmières et les sages-femmes seront perçues comme des personnes de premier contact compétentes sur le plan professionnel et social. Car il faut les impliquer dans l’élaboration de stratégies. La Swiss Association Forensic Nursing sera représentée au congrès par un stand d’information – nous nous réjouissons des échanges en perspective avec tous les participants.