Données sur la suicidalité en Suisse : disponibilité et mesures à prendre

Qu’en est-il de la suicidalité en Suisse? Quelles sont les mesures déployant leurs effets, et où reste-t-il beaucoup à faire? Il est impossible de le savoir sans données exhaustives. Les données les plus complètes sont publiées chaque année par l’Office fédéral de la statistique (OFS), dans le cadre de sa statistique des causes de décès. On peut ainsi déterminer le taux de suicide, qui prend en compte l’évolution démographique. Celui-ci a tendance à diminuer – conformément à l’objectif du plan d’action de réduire le taux de suicide de 25% d’ici à 2030. Ce recul n’est toutefois pas homogène. Depuis 2013, il est notamment bien plus marqué au sein de la population masculine, évolution que confirment les derniers chiffres sur l’année 2020.*1

Le suicide n’est toutefois que la pointe de l’iceberg. Les tentatives de suicide et les pensées suicidaires constituent aussi de précieux indicateurs pour la planification et l’évaluation des mesures à prendre. Dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action, l’enquête suisse sur la santé (ESS) a donc inclus pour la première fois en 2017 des questions sur les tentatives de suicide (les pensées suicidaires ayant déjà été prises en compte en 2012). L’Observatoire suisse de la santé (Obsan) a analysé ces données, sur mandat de l’OFSP : en 2017, les personnes interrogées ont été 7,8% à signaler avoir pensé au moins une fois au suicide au cours des deux semaines ayant précédé l’enquête. En outre, les résultats de l’ESS indiquent que 33000 personnes ont tenté de mettre fin à leurs jours en 2017 – soit 32 tentatives par suicide effectif.*2 L’OFSP prévoit de mandater une analyse similaire de l’ESS 2022.

En plus de ces indicateurs «auto-rapportés », l’OMS recommande de documenter les tentatives de suicide prises en charge aux urgences des hôpitaux de soins aigus. Cette tâche s’avère toutefois difficile, bien des gens niant avoir voulu se suicider. Une possibilité consisterait ici à déterminer les tentatives de suicide sur la base des lésions auto-infligées, mais ce type d’informations – généralement relevé par des études ponctuelles indépendantes – n'est disponible en Suisse que pour certaines périodes et régions géographiques. En conséquence, les données sont difficilement comparables.

En 2021, l’OFSP a ainsi chargé l’Obsan d’analyser les informations codées de la statistique médicale des hôpitaux, afin d’identifier les hospitalisations constituant des tentatives présumées de suicide sur la base des diagnostics, des procédures thérapeutiques et d’autres informations. Ces données disponibles pour toute la Suisse, pour les années 2017 à 2020, ont été publiées pour la première fois en 2022 dans le Bulletin Obsan « Santé psychique. Chiffres clés et impact du Covid-19». Et les résultats sont préoccupants: entre 2017 et 2020, les hospitalisations liées à une tentative présumée de suicide ont augmenté de 25 %, principalement chez les jeunes. La hausse est particulièrement marquée dans le groupe des 0 à 18 ans (+55%) – et surtout chez les jeunes femmes (+67 %).*3

Le rapport final « Bilan intermédiaire de la mise en œuvre du plan d’action national pour la prévention du suicide », publié par Infras sur mandat de l’OFSP (2021) reconnaît que des progrès ponctuels ont été réalisés, avec la mise à disposition au niveau suisse de données de routine de meilleure qualité. Mais globalement il reste de graves lacunes, notamment en ce qui concerne les informations de fond sur le suicide et les données sur les tentatives de suicide.

Le rapport technique sur les données relatives aux suicides et aux tentatives de suicides, publié par Interface sur mandat de l’OFSP, formule des recommandations sur les données pertinentes à collecter. Il s’agit notamment de recueillir des informations supplémentaires sur les circonstances des cas de suicide (p. ex. maladies associées, méthode ou lieu exact du suicide) et d’accélérer le processus entre la date de décès et la publication des données – qui exige actuellement deux ans – pour pouvoir évaluer l’efficacité des mesures de prévention en temps réel.

Il appartient en premier lieu aux organes compétents, comme l’OFS, d’appliquer systématiquement les recommandations du rapport Interface, qui ne sont pas du ressort du groupe central plan d’action pour la prévention du suicide. L’OFSP et Promotion Santé Suisse continueront tout de même à s’engager ponctuellement sur le terrain des données, de la recherche et de l’évaluation – notamment en confiant des mandats de recherche à l’Obsan ou à d’autres institutions de recherche.

*1 Obsan, 2022 : Suicide et suicide assisté. 
*2 Pensées suicidaires et tentatives de suicide dans la population suisse, Obsan, 2019.
*3 Santé psychique. Chiffres clés et impact du Covid-19, Obsan, 2022.