« Les problèmes liés à l’aptitude au travail et à la performance en ligne de mire »
Mars. 2022Gestion de la santé en entreprise
Cinq questions à Sabine Dobler, experte en questions liées aux addictions au sein d’Addiction Suisse. Selon elle, les supérieurs hiérarchiques – mais aussi les collègues – peuvent contribuer de manière essentielle à ce que les personnes avec une consommation problématique opèrent des changements. Il convient en premier lieu d’aborder clairement les difficultés qui se posent sur le lieu de travail.
1 Dans quelle mesure les addictions sont-elles un problème répandu dans le milieu professionnel en Suisse ?
Même si on ne dispose malheureusement d’aucune donnée fiable sur le sujet, on peut affirmer avec certitude qu’il ne s’agit pas d’un problème marginal. Selon des estimations, environ 5 % des travailleurs ont un problème avec l’alcool. Il est plus difficile d’avancer des chiffres pour les autres substances addictives. Une consommation problématique peut avoir différents types de répercussions négatives : souvent, les performances des collaborateurs concernés diminuent, ils deviennent moins fiables et leurs absences se multiplient. De plus, le risque d’accident augmente. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que l’alcool et d’autres substances addictives jouent un rôle dans 15 à 25 % des accidents du travail.
« L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que l’alcool et d’autres substances addictives jouent un rôle dans 15 à 25 % des accidents du travail. »
2 Quel rôle joue la consommation de substances addictives dans les problèmes au travail ?
La consommation de substances addictives a un impact négatif sur la performance et le comportement au travail. Cela vaut que cette consommation devienne chronique ou reste ponctuelle. Lorsqu’un individu arrive au travail avec une grosse gueule de bois ou en donnant l’impression qu’il est sous l’influence de drogues, ses supérieurs hiérarchiques doivent réagir – et le faire raccompagner chez lui pour qu’il dégrise. Une discussion claire doit avoir lieu dès le lendemain afin de signaler au collaborateur qu’un tel incident ne doit jamais se reproduire. Un événement isolé ne signifie pas forcément que la personne a un problème au sens strict avec des substances addictives. Face à des problèmes chroniques de consommation de substances addictives, nous recommandons de procéder par étapes, avec une phase d’évaluation après un premier entretien – puis d’autres entretiens si aucun changement de comportement n’a été amorcé. Lors de ces discussions, la priorité est moins la consommation de substances addictives que les problèmes liés à la capacité de travail et à la performance. Nous avons élaboré un guide pour aider les supérieurs hiérarchiques et leur donner des pistes.
3 Les supérieurs hiérarchiques doivent réagir lorsqu’ils remarquent qu’un individu consomme des substances addictives. Mais que peuvent ou devraient faire les collègues de travail ?
Les collègues de travail sont souvent les premiers à remarquer que quelque chose ne va pas et que le comportement et les performances au travail de la personne concernée se dégradent. Beaucoup essayent d’aider le collègue en question en le remplaçant. De tels comportements compensateurs partent d’une bonne intention, mais sont inappropriés. Nous conseillons de rechercher le dialogue et d’en profiter pour décrire à la personne concernée les observations faites. Lorsqu’un problème de consommation de substances addictives n’est pas chronique, la personne concernée se montre souvent conciliante. Mais lorsque rien ne change, les collègues ne doivent pas hésiter à s’adresser à leurs supérieurs hiérarchiques.
« Beaucoup essayent d’aider le collègue en question en le remplaçant. De tels comportements compensateurs partent d’une bonne intention, mais sont inappropriés. »
4 Quel est l’impact des programmes de prévention des addictions en entreprise ?
Les problèmes liés aux substances addictives restent malheureusement un tabou social. Dans les
entreprises, on a longtemps eu tendance à fermer les yeux sur de tels problèmes rencontrés par les collaborateurs. Fort heureusement, les tabous qui entourent le sujet semblent progressivement se lever : dans beaucoup d’établissements, une gestion professionnelle des problèmes au travail liés aux substances addictives fait partie intégrante de la politique de ressources humaines. Cela implique par exemple un programme de prévention des addictions en entreprise qui énonce des directives pour gérer l’alcool et d’autres substances addictives au sein de l’établissement et décrit comment procéder lorsque des éléments indiquent l’existence de problèmes liés à la consommation de substances addictives. Selon nous, les bonnes raisons de mettre en place un programme efficace de prévention des addictions sont nombreuses. Ce type de programme réduit le risque d’accident – et n’améliore pas seulement la sécurité des collaborateurs concernés, mais aussi celle de l’ensemble du personnel. Il est également favorable à un climat de travail positif et à la satisfaction professionnelle, ce qui a des répercussions positives sur la motivation au travail. En bref, la prévention des addictions en entreprise est payante !
5 Les programmes de prévention des addictions en entreprise s’adressent-ils aussi à des groupes cibles spécifiques, notamment aux adolescents ?
Oui. Les concepts de prévention des addictions devraient également cibler les apprentis. Les entreprises peuvent fortement contribuer à prévenir la consommation problématique de substances addictives chez les jeunes grâce à un dépistage et une intervention précoces.