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Libre arbitre et responsabilité, automatisme et impulsivité

Édition n° 103
Mars. 2014
Le plaisir et le risque

Neurosciences. Lors de l’Académie des dépendances du 29 au 31 août 2013 sur le Monte Verità au Tessin, le Psychologue spécialiste en psychothérapie FSP Jean-François Briefer des Hôpitaux Universitaires de Genève a présenté des résultats d’études des consommations du point de vue neurobiologique et psychologique, qui lèvent progressivement le voile sur les mécanismes de l’impulsivité et de la perte de contrôle. Les neurosciences montrent en outre que les nouvelles thérapies basées sur la pleine conscience développent des fonctions psychologiques qui contrecarrent les automatismes addictifs.

S’il est un domaine où se pose la question du libre arbitre, c’est bien celui des addictions. Adopter un comportement nuisible en toute connaissance de cause peut apparaître tout à fait irrationnel et pourtant les neurosciences montrent les logiques biologiques à l’œuvre dans ces conduites.

Du point de vue neurobiologique il existe deux systèmes cérébraux en interaction constante: le système impulsif et le système réflexif (ou exécutif). Le système réflexif quant à lui repose largement sur le cortex préfrontal ventro-médian, il renvoie aux intentions et à la prise de décision prenant en compte les conséquences à long terme d'adopter ou inhiber tel ou tel comportement. Il suit une voie descendante (top-down) associée habituellement au libre arbitre permettant d’inhiber les impulsions provenant des structures sous-corticales. Il permet de peser les conséquences dans le futur d'adopter ou inhiber tel ou tel comportement. Avec l’apprentissage des règles sociales le système réflexif prend progressivement le contrôle du système impulsif, permettant de différer les gratifications et de s’adapter à la réalité.
Or on observe chez les sujets dépendants des dysfonctionnements dans ces deux systèmes dus notamment à une progressive «prise en otage» du système impulsif par la substance qui va en exploiter les voies cérébrales. Plusieurs fonctions psychologiques assumées par les différentes aires du cortex préfrontal, notamment contrôle de soi, régulation émotionnelle, éveil motivationnel, conscience de soi/intéroception, prise de décision vont se voir affectées, se traduisant respectivement par de l’impulsivité, une réactivité au stress accentuée, une perte de motivation pour tout ce qui ne concerne pas la drogue, la négligence de ses propres besoins et de prise de décisions orientées vers la gratification immédiate (Goldstein et al. 2011).

Les thérapies basées sur la pleine conscience
Les thérapies basées sur la pleine conscience ont été initiées aux Etats Unis dans les années 1980 par Jon Kabat Zinn qui a validé scientifiquement un programme pour la gestion des problèmes de stress et de douleurs. D’autres programmes ont ensuite été développés pour traiter la dépression et plus récemment les addictions (Bowen et al., 2009).
Le principe de la pleine conscience est simple, il s’agit de porter une attention bienveillante et non jugeante à l’expérience du moment présent. Cette conscience de l’instant présent se développe au moyen de diverses techniques et exercices prenant appui sur l’attention portée aux sensations corporelles. Elle constitue un entrainement mental qui exploite et développe la plasticité cognitive et cérébrale des fonctions mentales complexes. On sait maintenant qu’un entrainement mental tel que la méditation transforme le cerveau tant d’un point de vue fonctionnel que structurel. De nombreuses études neuroscientifiques en attestent et montrent les apports bénéfiques de cette approche (Hölzel et al., 2011), notamment sur la gestion des impulsions en jeu dans les addictions. A travers ses quatre mécanismes d’actions (régulation de l’attention, conscience corporelle, régulation émotionnelle, changement du rapport à soi) la pleine conscience agit directement sur les fonctions psychologiques gérées par le cortex préfrontal et par là renforce des compétences cognitivo-émotionnelles nécessaires au bien-être psychique. Chez les personnes dépendantes on observe une diminution tant des envies en fréquence et en durée que des rechutes et une meilleure tolérance aux symptômes de sevrage.

Nouvelles impulsions pour la recherche
La recherche en neurosciences des 15 ou 20 dernières années a mis en lumière l’importance des processus de traitement automatique de l’information mis en œuvre par le cerveau dans l’ensemble de nos activités quotidiennes, des plus complexes aux plus insignifiantes. La plupart de nos pensées et actions sont en effet générées par des processus cérébraux inconscients qui généralement échappent à l'introspection, dont les automatismes addictifs font partie. Concernant ces derniers, des études récentes (Goldstein, 2011) soulignent le rôle du cortex préfrontal alors que l’essentiel de la recherche portait jusqu’alors sur le système dopaminergétique du renforcement.

Etudes sur le sujet

Bechara, A. (2005). Decision making, impulse control and loss of willpower to resist drugs: a neurocognitive perspec­tive. Nature neuroscience, 8(11), 1458–1463.

Bowen, S., Chawla, N., & Marlatt, G. A. (2010). Mindfulness-based relapse prevention for addictive behaviors: A clinician’s guide. Guilford Press.

Goldstein, R. Z., & Volkow, N. D. (2011). Dysfunction of the prefrontal cortex in addiction: neuroimaging findings and clinical implications. Nature Reviews Neuroscience, 12(11), 652–669.

Hölzel, B. K., Carmody, J., Vangel, M., Congleton, C., Yerramsetti, S. M., Gard, T., & Lazar, S. W. (2011). Mindfulness practice leads to increases in regional brain gray matter density. Psychiatry Research: Neuroimaging, 191(1), 36–43.

Contact

René Stamm, section Drogues, rene.stamm@bag.admin.ch

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