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L’éthique, parent pauvre de la promotion de la santé?

Édition n° 96
Jan.. 2013
Santé publique et éthique

Forum Prof. Dr. Klaus Peter Rippe. La promotion de la santé soulève des questions d’éthique à deux niveaux. Au premier niveau, les mesures concrètes de promotion de la santé sont étudiées sous l’angle de leur recevabilité morale. Au second niveau, l’objectif visé est envisagé d’un point de vue moral. Jusqu’ici, l’éthique en santé publique s’est concentrée essentiellement sur le premier niveau. S’il est possible, il est vrai, que les questions éthiques soient négligées dans certains cas particuliers, d’une manière générale, la question de la recevabilité morale d’une mesure est toutefois débattue de manière appropriée. Il en va différemment au second niveau. Il peut paraître étonnant de devoir justifier moralement la promotion de la santé. Pourtant, apporter de l’aide à une personne malade ou exigeant des soins, ou prévenir quelqu’un de dangers aigus pour son intégrité physique ou vouloir l’inciter à changer son mode de vie pour améliorer son bien-être (à long terme) sont deux choses différentes d’un point de vue éthique. Les mesures et les activités visant à préserver et à renforcer la santé d’autrui entrent dans la dernière rubrique.

De l’avis général, il existe une obligation de bienfaisance dans certains rapports humains, notamment au sein de la famille ou dans la relation médecin-patient. Cette obligation existe-t-elle aussi entre personnes étrangères? La question reste posée. Très peu parmi nous apprécieraient que des vendeurs ou des tiers leur recommandent, après avoir étudié le contenu de leur chariot à provisions, d’éviter les denrées alimentaires riches en graisses. Si l’intention est bonne, ces avertissements sont du pur paternalisme.  
Fondations et associations privées de promotion de la santé participent à un débat public libre dans lequel il est possible d’inciter autrui à modifier son mode de vie. Les organisations étatiques ne peuvent se contenter d’invoquer cette liberté. Financées par les contribuables, les mesures officielles de prévention et de promotion de la santé nécessitent une légitimation particulière et des objectifs justifiables. Lorsqu’il s’agit de profit économique apporté par des personnes en bonne santé, certaines variantes de l’utilitarisme peuvent fournir un argument pour la promotion de la santé. Mais pour la majorité des autres théories éthiques, le profit économique n’est même pas un argument.
Même si elle est souvent invoquée comme justification, on peut tout autant se demander si l’on est en droit de mentionner la préservation durable des systèmes d’assurance. Rester plus longtemps en bonne santé ne se traduit pas nécessairement par une réduction des coûts de santé, mais par leur report sur des périodes futures de la vie. A ce jour, l’amélioration de l’état de santé de la population n’a en tout cas pas généré de baisse des dépenses de santé. En outre, le débat devrait porter sur la pertinence d’accorder un rôle prioritaire aux réflexions financières. Si, pour une question de dignité humaine, les citoyens ont un droit absolu à certaines prestations de santé, l’Etat a le devoir de mettre lesdites prestations à leur disposition. Mais, si nous avons un droit inconditionnel au traitement, il devient difficile de parler d’une obligation de solidarité à la santé.
Lorsque l’on s’interroge en quoi l’éthique est le parent pauvre de la promotion de la santé, la réponse est à ce niveau: la justification de l’objectif.  

Prof. Klaus Peter Rippe,
professeur en Philosophie pratique à la Haute école pédagogique de Karlsruhe/Codirecteur du bureau ethik im diskurs gmbH.

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