Interprofessionnalité : un outil de plus face au manque de personnel qualifié

« La formation interprofessionnelle est un outil. C’est un outil pour créer des liens entre le système de formation et le système de santé. C’est un outil pour parvenir à offrir de meilleurs soins aux patients. C’est un outil pour améliorer la santé de la population. »

George E. Thibault, Institute for Medicine of the National Academies (États-Unis) 

Le programme de promotion Interprofessionnalité dans le domaine de la santé 2017-2020 est né de l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié. La question était alors (et reste) la suivante : au vu de la pénurie de personnel qualifié qui menace, comment pouvons-nous faire en sorte que notre système de santé reste adapté aux besoins dans le futur ? Réponse : il faut encore plus centrer la prise en charge sur les patients, mais aussi mieux exploiter le potentiel existant pour améliorer l’efficacité.

La collaboration interprofessionnelle (CIP) contribue de manière essentielle à atteindre ces deux objectifs. Des études montrent que la CIP a un impact direct sur la qualité des soins, car elle permet de se concentrer sur les besoins des patients et optimise la coordination entre les différents professionnels. En améliorant la satisfaction que les professionnels tirent de leur travail, elle influe aussi indirectement sur la qualité des soins, puisqu’au lieu de respecter une hiérarchie rigide, les membres des équipes interprofessionnelles collaborent davantage les uns avec les autres, d’égal à égal. Le personnel qualifié reste ainsi en poste plus longtemps, ce qui a des répercussions positives sur la continuité des soins et donc sur la qualité des prestations. Mais la CIP contribue aussi à augmenter l’efficacité du système de santé en permettant notamment de mieux éviter les doublons grâce à l’action coordonnée des professionnels, qui forment une unité. 

Pour qu’une CIP puisse se développer au profit du système de santé, le Conseil fédéral a approuvé un budget de trois millions de francs destiné à un programme de promotion en ce sens pour la période 2017-2020. À la fois axé sur la recherche (pour une amélioration des bases scientifiques, p. ex.) et sur la pratique (recensement de modèles de bonnes pratiques, notamment), ce programme a fourni de multiples résultats (voir encadré). S’agissant de la recherche, le programme a permis de financer au total 18 projets qui couvraient de manière relativement large le sujet de l’interprofessionnalité, dont une analyse coûts-bénéfices de la collaboration interprofessionnelle et une étude du potentiel de formation interprofessionnelle. Même si beaucoup d’enseignements passionnants en ont été tirés, il est difficile d’obtenir des réponses claires sur certains points puisque le bien-être d’un patient ou la réussite du travail en équipe au sein d’un hôpital dépend non seulement d’une CIP de qualité, mais aussi de nombreux autres facteurs. Aucune affirmation définitive ne peut par exemple être formulée lorsqu’il s’agit de savoir si la CIP est globalement plus avantageuse du point de vue économique. Le coût ne semble toutefois pas être un obstacle, au moins dans le contexte hospitalier. Les résultats montrent aussi bien que la rotation du personnel est plus faible dans les équipes interprofessionnelles. 

Dans le deuxième volet dédié à la pratique, les mesures du programme de promotion visaient surtout à améliorer la visibilité de modèles de bonnes pratiques et le développement de réseaux entre les acteurs impliqués. Au début du programme, l’OFSP a appelé les professionnels intéressés à présenter des modèles montrant de manière exemplaire à quel point la formation interprofessionnelle (Interprofessional education, IPE) et la CIP sont un succès dans la pratique médicale quotidienne. En raison du grand intérêt suscité, un catalogue rassemblant des présentations de modèles, d’activités et d’outils sous forme de fiches a été créé sur le site Internet de l’OFSP. Le catalogue comprend actuellement 80 entrées abordant des sujets divers allant de « Sensibilisation et thérapie familiales » à « Suivi personnalisé pour les personnes atteintes de démence ». Restant en place à l’issue du programme de recherche, cet outil devrait continuer à être une source d’idées pour toutes les personnes intéressées par l’interprofessionnalité à l’avenir. Notons que quelques-uns de ces modèles ont été exposés en détail dans deux publications qui montrent à quel point la collaboration des différents professionnels (voire au-delà) peut être une réussite ou la façon dont la CIP est vécue.

Les quatre policy briefs respectivement dédiées aux soins ambulatoires, aux soins stationnaires, à la jonction entre soins psychiques et somatiques et à la formation sont un autre produit important du programme. Chacun de ces documents récapitule de manière brève et concise les principaux enseignements tirés de quatre années de recherche ainsi que les recommandations qui peuvent être formulées sur cette base. « L’important pour nous était que ces recommandations soient élaborées avec les parties prenantes et servent désormais de lignes directrices, de base pour d’autres mesures », explique Cinzia Zeltner, collaboratrice scientifique au sein de l’OFSP et cheffe de projet en charge des policy briefs.

«In einem Spital, in einer Praxis, in einem Alters- und Pflegeheim müssen die IPE und die IPZ von der Führung gelebt und gefördert werden. Nur so kann Interprofessionalität im Berufsalltag gelingen.»

À l’issue des quatre années du programme de promotion, une question se pose toutefois : que faut-il désormais pour ancrer encore plus solidement la CIP dans le système de santé ? Les formations de base, postgraduée et continue sont un facteur de réussite fondamental en la matière. Les professionnels du secteur de la santé doivent apprendre suffisamment tôt à inter­agir avec d’autres groupes professionnels. Il faut leur apprendre à parler un langage commun, à développer la même approche et à reconnaître la problématique des interfaces. « L’objectif est que tous les professionnels de la santé soient déjà formés à cette thématique au cours de leur formation de base », souligne Lara De Simone-Nalotto, assistante de projet scientifique au sein de l’OFSP. Certaines choses ont déjà évolué positivement au cours des dernières années. Mais il faudra encore des années, voire plusieurs décennies avant que ce changement ait un impact dans la pratique. Dans le contexte d’un apprentissage tout au long de la vie, il convient que la CIP devienne partie intégrante de la formation continue et postgraduée afin de permettre le développement continu de compétences collectives (dans le cadre de formations postgraduées internes, p. ex.).

La direction de chaque établissement a aussi un rôle important à jouer, car des progrès ne sont possibles que si les dirigeants ont la volonté de faire progresser l’interprofessionnalité. L’IPE et la CIP doivent être vécues et encouragées par la direction des hôpitaux, des cabinets médicaux et des EMS. Ce n’est que de cette façon que l’interprofessionnalité pourra être mise en œuvre avec succès dans la pratique quotidienne. Il est évident que la question restera importante dans le futur puisque le système de santé va devoir encore faire face à la menace d’une pénurie de personnel qualifié pendant de longues années. Et les résultats du programme de promotion le montrent : lorsqu’elle est mise en œuvre avec succès, l’interprofessionnalité peut aussi contribuer à soulager cette pénurie.