Nouveaux défis pour le traitement résidentiel des addictions
Mai. 2011Détection et intervention précoces
Aide en matière de dépendances. Les établissements ambulatoires et résidentiels de l’aide en matière de dépendances devraient davantage collaborer au lieu de se percevoir en situation de concurrence – compte tenu des coupes budgétaires des pouvoirs publics et des exigences accrues posées à des traitements modernes et efficaces des addictions. Telle est la conclusion d’une étude réalisée par l’Université de Lausanne sur mandat de la CRIAD (Coordination romande des institutions œuvrant dans le domaine des addictions).
Le traitement des addictions en Suisse s’inscrit depuis quelques décennies dans un processus continu de renforcement et d’élargissement de l’offre de prise en charge. Dans un premier temps, le secteur résidentiel en a été le principal bénéficiaire. Depuis les années 1990, les efforts se concentrent essentiellement sur les institutions ambulatoires et leurs offres de substitution ou de réduction des risques. Le renforcement régulier du secteur ambulatoire s’est alors accompagné d’une tendance à l’affaiblissement de la place du résidentiel au sein de la prise en charge des addictions. Cependant, face à la prévalence de certaines situations sociales et psychopathologiques lourdes et à l’évolution du profil des personnes dépendantes, cette relativisation de la place du résidentiel pourrait avoir trouvé ses limites.
Evaluation de l’offre résidentielle
Tous les acteurs du secteur des addictions considèrent aujourd’hui l’articulation et la complémentarité des domaines d’intervention (social et médical) et des types de traitement (ambulatoire et résidentiel) comme une condition sine qua non à un traitement et un accompagnement optimal des personnes en situation de dépendance. Mais qu’en est-il en réalité? Quid de la collaboration entre ces deux domaines? Pour répondre à ces questions, la CRIAD (Coordination romande des institutions œuvrant dans le domaine des addictions) a mandaté une étude à l’Observatoire de la ville et du développement durable de l’Université de Lausanne visant à réaliser une évaluation pluraliste de l’offre résidentielle de traitement des dépendances et de ses articulations avec le secteur ambulatoire. La recherche a recouru à une approche pluraliste impliquant trois méthodes complémentaires de récolte et de traitement des données: une analyse documentaire, une approche quantitative à dominante statistique et une démarche qualitative fondée sur 120 entretiens approfondis auprès d’acteurs des domaines résidentiel et ambulatoire ainsi que des usagers.
Offre diversifiée mais peu lisible
L’offre résidentielle est certes importante et diversifiée dans la plupart des cantons, mais généralement peu lisible, en particulier pour les acteurs extérieurs au champ du résidentiel. Les descriptifs des différentes institutions sont insuffisamment compréhensibles au niveau du contenu. Par ailleurs, le profil des usagers s’est fortement modifié: le caractère de marginalité auquel était associée la population des consommatrices et des consommateurs de drogues des années 80–90 a été remplacé par des individus présentés comme beaucoup plus désinsérés, souffrant plus fréquemment qu’avant de polydépendance et de comorbidité. De plus, la majorité des institutions du secteur résidentiel ne correspondent plus, aujourd’hui, à une offre à haut seuil destinée à une population capable de répondre à des exigences élevées (abstinence, vie collective, réinsertion professionnelle). Le plus souvent, elles prennent en charge des personnes dont les difficultés et la trajectoire imposent avant tout des prestations d’ordre socio-éducatif (notamment pour les plus jeunes), ou de rétablissement ou de maintien d’une situation sanitaire et sociale de base, et non une thérapie à haut seuil.
L’ambulatoire exprime le besoin d’avoir des lieux résidentiels bas seuil, par exemple pour prendre en charge des usagers en situation de crise sanitaire ou sociale. Les objectifs traditionnels du traitement résidentiel tels que l’abstinence et la réinsertion professionnelle vacillent, et certains établissements résidentiels ont introduit les traitements de substitution. Par ailleurs, la thérapie de groupe, approche de traitement privilégiée du résidentiel, fait une place toujours plus grande à un suivi personnalisé.
De nombreuses voies possibles
L’étude souligne qu’il n’y a pas une méthode unique pour maîtriser ou vaincre l’addiction, qu’il n’y a pas une réponse unique pour les personnes en situation de dépendance. Il est donc nécessaire d’optimiser l’articulation et d’instituer des fonctions transversales entre l’ambulatoire et le résidentiel. L’intégration des deux secteurs permet d’améliorer la continuité du traitement et, donc, d’accroître l’efficacité du suivi. Il faut créer des possibilités de traitement adapté aux besoins des personnes dépendantes dans des situations différentes et aux pathologies différentes.
Recommandations: vers une vision partagée
Pour y parvenir, les auteurs du rapport d’évaluation recommandent les mesures suivantes:
– la construction d’un référentiel commun et /ou de modèles d’actions concertés, afin de parvenir à une définition convergente de la problématique de l’addiction, des troubles qu’elle engendre et de la chaîne de traitements pertinents;
– la définition commune des objectifs à atteindre par les acteurs, du concept de prise en charge, de l’offre de prestations, des groupes cibles, des partenaires du réseau;
– la recomposition et l’ajustement des prestations de l’offre résidentielle et la reconnaissance de sa pertinence en matière de traitement de personnes souffrant de problèmes d’addiction;
– l’organisation d’interfaces appropriées entre les secteurs résidentiel et ambulatoire permettant de les constituer comme des chaînes complémentaires d’un système cohérent de traitements;
– la formalisation de procédures de collaboration permettant d’assurer une continuité des soins;
– la formation et l’information en matière d’offre intégrée afin de capitaliser les bonnes pratiques et de diffuser les acquis de connaissance.
Les auteurs reconnaissent un grand potentiel aux institutions du secteur de l’addiction évaluées en Suisse romande. Ce sont des acteurs importants de la politique suisse en matière d’addictions qui offrent à leurs client-e-s des suivis toujours plus diversifiés atteignant des résultats positifs. L’articulation des secteurs résidentiel et ambulatoire offre, selon l’étude, de bonnes opportunités d’améliorer la continuité dans le traitement et la persévérance des client-e-s et garantit ainsi l’efficience et la cohérence de l’ensemble du système. Elles permettent de développer des solutions durables et intégrées en recourant aux prestations et au savoir-faire existants. Les institutions résidentielles doivent adapter leur offre et leur image aux nouveaux défis (comme le nouveau profil de leur clientèle).
Il incombe aux cantons de créer les conditions-cadre propices à un traitement conforme aux besoins des personnes dépendantes dans des situations différentes et aux parcours différents qui intègre souvent aussi bien le traitement ambulatoire que résidentiel.
Un résumé du rapport se trouve sous http://www.bag.admin.ch/themen/drogen/00042/index.html?lang=fr.
Contact
René Stamm, section Drogues, rene.stamm@bag.admin.ch