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Regards critiques sur la santé en prison

Édition n° 91
Mars. 2012
La santé en milieu carcéral

BIG – Lutte contre les maladies infectieuses en milieu carcéral. Le projet BIG, lancé en 2008, a pour objectif d’offrir, en milieu carcéral, une prise en charge médicale équivalente à celle assurée à l’extérieur. Des résultats largement positifs plaident en faveur de l’ancrage durable du projet.

D’après des études scientifiques, la prévalence de maladies infectieuses, telles que le VIH, l’hépatite ou la tuberculose est plus élevée dans les établissements pénitentiaires qu’au sein de la population. Pour remédier à cette situation, le projet BIG a vu le jour en 2008 sous l’égide de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), de l’Office fédéral de la justice (OFJ) et de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP). Les objectifs sont les suivants:
– réduire les risques de transmission de maladies infectieuses en milieu carcéral;
– réduire les risques de transmission de maladies infectieuses entre le milieu carcéral et le monde extérieur et inversement;
– appliquer, en milieu carcéral, des mesures de prévention, de dépistage et de traitement des maladies infectieuses, équivalentes à celles prises à l’extérieur;
– mettre en place un traitement de la toxicomanie en milieu carcéral équivalent à celui prodigué à l’extérieur;
– garantir la durabilité des mesures et des instruments développés.

A partir de ces objectifs, quatre champs thématiques ont été définis ayant donné lieu à des mesures et des produits concrets.
1. Collecte de données: un nouveau formulaire de déclaration des maladies infectieuses permet, depuis le 1er janvier 2011, de déterminer le nombre et le type de maladies infectieuses diagnostiquées dans les établissements pénitentiaires.
2. Information et formation: deux brochures d’information sur les maladies infectieuses, les situations de risque, les mesures de protection et les possibilités de traitement, destinées respectivement aux détenus et aux intervenants en milieu pénitentiaire, sont en cours de développement. De plus, une formation du personnel pénitentiaire devrait avoir lieu dans un canton-pilote. A partir de 2013, les modules de cette formations seront offerts par le Centre suisse de formation au personnel pénitentiaire (CSFPP). Il dispense, depuis le printemps 2011, un cours d’introduction à l’exécution des peines, abordant la médecine carcérale et destiné aux personnes qui ne fréquentent pas le cours de base.
3. Prévention, dépistage, traitement: afin d’harmoniser la prise en charge médicale des détenus mais aussi de préciser les rôles respectifs des différents acteurs du système carcéral, un vade-mecum a été développé, contenant des recommandations, des standards et des checklists concernant les maladies infectieuses et des thèmes paramédicaux (p. ex. questionnaire d’entrée et transmission du dossier médical), qui sera mis à la disposition de tous les établissements pénitentiaires.
4. Cadre structurel: des expertises juridiques ont permis de préciser les compétences respectives de la Confédération et des cantons. La question des barrières linguistiques et de leurs conséquences négatives sur la santé des détenus a fait l’objet d’une analyse. Un service national d’interprétariat communautaire par téléphone peut être utilisé par les responsables de santé pénitentiaire depuis avril 2011.  

Recommandations pour une harmonisation
A l’origine, le projet BIG devait s’achever fin 2010. Il est cependant apparu clairement, au cours du projet, que le développement et la diffusion des produits du projet ne pouvaient être garantis sans des mesures plus approfondies. Il en allait de même pour le dialogue entre les différents acteurs de la médecine carcérale, des soins et de la privation de liberté. Tous les intervenants avaient fortement apprécié cette collaboration interdisciplinaire, induite par le projet BIG. La nécessité d’une meilleure reconnaissance de la médecine carcérale au niveau national, et l’importance de réduire au maximum les différences cantonales en matière de santé dans les établissements pénitentiaires, étaient devenues des évidences.

Toutes ces raisons justifient la poursuite du projet BIG. Un groupe de travail va remettre aux instances concernées un projet de «Recommandations visant à harmoniser les mesures de prise en charge médicale dans les milieux de privation de liberté en Suisse». Il existe, tant dans le droit national qu’international, plusieurs normes contraignantes, applicables à la médecine pénitentiaire. Pour autant, une expertise juridique mandatée par l’OFSP révèle clairement l’existence, en Suisse, d’un besoin d’harmonisation des pratiques. Les recommandations, soutenues par la CCDJP et la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) s’adressent à tous les acteurs de la santé en milieu pénitentiaire. Elles visent –tout en respectant la souveraineté des cantons quant à l’organisation des soins – non pas une harmonisation structurelle mais une mise en œuvre des contenus et une traduction des bases juridiques dans le quotidien de la vie carcérale. Il s’agit notamment de clarifier les rapports juridiques et les responsabilités des professionnels de la santé avec les responsables de l’exécution des peines. L’intention est également d’améliorer les connaissances et le niveau de formation du personnel, comme du détenu, dans le domaine de la santé. Pour y parvenir, le recours à des moyens d’information et de formation, coordonnés et harmonisés tant que possible, et régulièrement mis à jour, semble pertinent.

Centre de compétence pour la santé en milieu carcéral
Un point central des recommandations est la création d’un centre de compétence suisse pour les questions de santé en milieu carcéral. Le centre de compétence devrait garantir un dialogue interdisciplinaire permanent et servir de plate-forme commune pour traiter de problèmes peuvant se poser à l’ensemble des responsables d’institutions pénitentiaires et au personnel médical et soignant sur le territoire national. Il est proposé de rattacher administrativement ce centre au CSFPP. Son financement serait analogue au financement du CSFPP, c’est-à-dire par le biais de contributions cantonales fixées en fonction des jours de détention.

Echo largement favorable
Une première mouture de recommandations a été envoyé au mois d’octobre dernier aux cantons, aux concordats, à la Conférence suisse des médecins pénitentiaires ainsi qu’aux responsables des institutions de privation de liberté, pour consultation. Fin 2011, 35 organisations et services cantonaux avaient réagi. Tous saluent les recommandations, la création d’un centre de compétence et son affiliation au CSFPP. Seul le financement proposé suscite des réticences de quelques services cantonaux d’exécution des peines.

Le projet BIG continue d’être soutenu par la Commission pour l’exécution des peines et les établissements de détention (Neunerausschuss) de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP). Les recommandations et le concept de centre de compétence doivent encore être formellement présentés aux instances dirigeantes du Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire, CSFPP (Conseil et Comité de l’école). Le dossier sera soumis à la CCDJP lors de sa session d’automne.

Contact

Karen Klaue, responsable du projet BIG, karen.klaue@bag.admin.ch

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