Et les joueurs?
Nov.. 2012Internet & ses dangers potentiels
Forum Niels Weber. Dans le milieu des jeux vidéo je porte quatre casquettes. Je suis chargé de projets au centre de prévention du jeu excessif «Rien ne va plus», pour lequel je m’occupe, principalement, de la pratique des jeux vidéo et des médias électroniques. Je suis psychologue FSP au sein de la fondation «Phénix» à Genève, spécialisée dans le traitement des addictions, pour laquelle je reçois des patients, individuellement et en famille, pour comprendre et soigner une pratique excessive du jeu vidéo. Je suis également porte-parole de l’association «Swiss Gamers Network» qui regroupe les passionnés de jeux vidéo à travers la Suisse romande mais qui a également comme activité d’organiser des conférences d’information et d’initiation à l’attention de parents ou toutes autres personnes souhaitant en savoir plus sur la pratique du jeu vidéo. Et enfin, je suis moi-même joueur passionné depuis plus de 20 ans.
Si la prise de conscience d’une problématique autour de la pratique du jeu vidéo est assez récente, il en est toutefois déjà question depuis le milieu des années 80. Ce n’est que récemment que l’avis des joueurs a également été sollicité, ce qui est indéniablement un atout pour le milieu de la prévention et du traitement souhaitant adopter une position non-dramatisante. Le joueur (ou «gamer») s’est vu coller plusieurs types d’étiquettes, de l’adolescent reclus jouant, seul, au fond de sa cave à celui du jeune adulte, épanoui, partageant de bons moments avec ses amis en jouant dans son salon. Cette dernière image est celle que nous retrouvons aujourd’hui dans la publicité, notamment pour la Wii, console de salon de Nintendo. Cette évolution est le signe d’une radicale démocratisation du jeu vidéo: aujourd’hui tout le monde joue, avec plus ou moins d’intensité, sur une multitude de supports allant de l’ordinateur en passant par les smartphones (oui, Angry Birds c’est AUSSI du jeu vidéo…). La pratique du jeu s’est décomplexifiée, est devenue abordable pour tous. Bien sûr, il reste toujours des jeux beaucoup plus complexes et difficiles, mais la marginalisation dont faisait l’objet le joueur, tend à disparaître. Alors comment réagit le gamer à cette démarche? D’un côté ravi de ne plus être montré du doigt, il persiste également une volonté de se distinguer de la masse, de ne pas être confondu avec ces utilisateurs du dimanche («casual gamers») et de pouvoir continuer à s’identifier de par la pratique vidéo ludique. Aujourd’hui, les joueurs, n’ont plus besoin de justifier leur passion, le jeu vidéo est devenu objet de culture, des expositions y sont consacrées et les médias ont presque tous cessé de chercher le sensationnalisme en l’exposant comme bouc émissaire.
Mais alors comment affirmer cette identité de joueur? Si moins d’énergie est nécessaire pour défendre la «cause» vers l’extérieur, il est maintenant le temps de se tourner vers l’intérieur en se montrant plus exigeant face à l’industrie, notamment quant à la qualité des produits.
Le joueur est donc actuellement dans une position schizophrénique – hésiter entre les deux aspects mentionnés ci-dessus – assez inconfortable. Mais il bénéficie indéniablement de la plus grande diversité jamais connue en matière de divertissements électroniques.
Niels Weber, psychologue FSP, porte-parole de «Swiss Gamers Network», Lausanne