«La loi a buté sur le frein aux dépenses, bien que le texte de loi ait lui-même trouvé une majorité.»
Nov.. 2012Internet & ses dangers potentiels
5 questions à Felix Gutzwiller. Fin septembre, la loi sur la prévention a échoué, de justesse, mais définitivement – le Conseil d’Etat s’étant refusé à lever le frein aux dépenses pour cela (pour une nouvelle répartition des fonds). Les détracteurs de la loi sur la prévention craignaient de nouvelles prescriptions, une mise sous tutelle étatique croissante et une perte de compétences des cantons. Nous avons interrogé Felix Gutzwiller, professeur en médecine, expert de la prévention et conseiller aux Etats zurichois PLR, et lui avons demandé son évaluation de la situation.
Monsieur le conseiller aux Etats, que signifie ce résultat pour vous?
Il est infiniment regrettable qu’il s’en soit fallu de si peu. Après une première tentative non aboutie dans les années 70–80, c’est la deuxième fois qu’il a été impossible de mieux positionner la prévention et la promotion de la santé dans la loi.
Quel a été le déclencheur qui a finalement réuni une majorité contre la loi?
Au cours des huit années qu’a duré le développement de cette loi, deux réserves principales sont apparues. L’une touche à des craintes fédéralistes (malgré un vote positif de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS) les petits cantons ont toujours été contre), l’autre révèle des craintes diffuses selon lesquelles cette loi serait la porte ouverte à une plus grande emprise de l’Etat en matière de règles et d’interdictions, à la standardisation de modes de vie individuels – quasiment un «menu fédéral» imposé. De plus, l’alliance des opposants à la loi, mais en faveur d’«une prévention modérée», a été trop peu interrogée sur ses objectifs – y compris par les médias. Cette alliance a habilement dissimulé que la principale opposition est venue en fait des milieux du commerce de cigarettes, de la gastronomie et de l’artisanat. Enfin, et de manière inhabituelle pour le Conseil des Etats – il n’y a plus eu d’argumentation basée sur les faits dans la phase finale. La loi a buté sur le frein aux dépenses, bien que le texte de loi ait lui-même trouvé une majorité. Paradoxalement, les opposants ont donc réussi à ce que sept millions de francs environ restent acquis à l’Office fédéral de la santé publique, alors qu’il était prévu de les transférer à Promotion Santé Suisse. Si l’argumentation, qui préconise le détachement de certaines campagnes de l’Etat, avait donc été vraiment sérieuse, on aurait dû, comme prévu, transférer ces fonds à Promotion Santé Suisse.
Pourquoi la promotion de l’égalité des chances en matière de santé a rencontré une telle incompréhension dans le camp bourgeois?
Lors de la conférence de conciliation, un collègue argumentait encore que le cœur de la loi concernait une «redistribution sociale». C’est un malentendu grotesque. Compte tenu qu’il existe en Suisse aussi des différences attestées en matière d’espérance de vie entre les couches de population au bénéfice d’une bonne formation et celles qui ne le sont pas, il est – y compris d’un point de vue éthique – du devoir des pouvoirs publics de contribuer à l’égalité des chances en matière de santé.
Quelles seront les conséquences du résultat du vote sur le travail de prévention en Suisse à l’avenir?
Les spécialistes de la prévention que nous sommes doivent s’interroger sur les points qui ont suscité critique et opposition. Fondamentalement, certains objectifs importants de la loi déboutée devront être poursuivis. Ainsi, il faut continuer à améliorer la coordination de certaines activités de prévention entre l’Etat, les cantons, les communes et les ligues de santé privées. De même, il est important de formuler des objectifs de santé communs pour le pays tout entier.
Que peuvent améliorer à l’avenir les spécialistes de la prévention et les politiciens de la santé?
La défaite de la loi sur la prévention est due essentiellement au fait qu’en Suisse la santé est toujours considérée d’un point de vue presque exclusivement individuel qui, donc, refuse aux pouvoirs publics la légitimité d’agir. C’est pourquoi il faut absolument faire passer le message de l’interaction entre situations et comportements. Il sera alors peut-être possible de mieux faire comprendre que l’Etat a, entre autres, cette mission noble et légitime de contribuer à l’égalité des chances en matière de santé.