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Il faut travailler au changement des pressions sociales

Édition n° 87
Jui.. 2011
La santé au masculin

Forum Michel Graf. Un homme, un «vrai», ne va pas chez le médecin «pour rien». Au-delà de la caricature, on observe que les hommes consultent moins que les femmes, ils le font lorsque leur problème de santé est déjà relativement avancé. Iront-ils consulter s’ils ont un problème d’alcool? Il faudrait pour cela qu’ils admettent que leur consommation d’alcool pourrait être problématique.

Dans les faits, les hommes consomment nettement plus souvent et plus d’alcool que les femmes, quel que soit le groupe d’âge. La proportion des hommes est même deux fois plus élevée que celle des femmes en ce qui concerne la consommation à risque élevé (plus de 60g/jour d’alcool pur pour un homme, respectivement 40g/j pour une femme).

Les causes de la consommation problématique d’alcool sont multiples. On cite fréquemment le stress ainsi que l’acceptation, voire la valorisation par la société de la consommation d’alcool – renforcée par la publicité – comme facteurs de risques extérieurs à l’individu. Sur ce plan, femmes et hommes y semblent soumis de manière de plus en plus égale. Il faut donc chercher d’autres facteurs qui expliqueraient pourquoi les hommes non seulement boivent plus que les femmes, mais font moins souvent appel aux services médicaux-sociaux pour les aider.

C’est que l’homme maîtrise, il a le contrôle, il gère, il n’a pas droit à l’erreur, pense-t-il. De même pour sa consommation d’alcool, l’obligation de savoir boire est un credo de la virilité. Il doit ainsi être capable de boire beaucoup sans se soûler. Mais, en plus de devoir contrôler, l’homme doit aussi montrer qu’il sait dépasser ses limites, aller trop loin: il peut donc – certains d’entre eux penseront qu’il doit – boire trop et être ivre. C’est la propension masculine à prendre des risques, à rechercher des sensations. Voilà un facteur de risque typiquement masculin.

Mais finalement, le facteur de risque le plus élevé pour l’homme n’est-il pas la peur de se montrer fragile, d’accepter son stress ou sa fatigue? On sait la difficulté qu’il a à exprimer ses émotions. Alors, dans une société qui valorise à outrance la performance et le succès, a-t-il encore le droit de dire ses difficultés avec l’alcool? Rien n’est moins sûr. Cela étant, la femme, soumise aux mêmes injonctions de réussite sociale, n’est pas mieux lotie! Ainsi, au-delà de l’importance de la question des genres, il faut davantage travailler à changer les pressions sociales qui pèsent sur chaque individu, qu’il soit homme ou femme.


Michel Graf, MPH,
directeur d’Addiction Info Suisse

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