Les «Checkpoints», bientôt des centres de santé pour gays
Jui.. 2011La santé au masculin
Queer Health. Les homosexuels ne sont pas seulement plus fortement touchés par le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST), leur état de santé général est également nettement moins bon que celui de la population générale. Pour enrayer cette évolution, la Suisse envisage la création de cinq centres de santé dotés d’une offre spécifique aux gays.
L’étude «Santé Gaie» de Dialogai Genève et de l’Université de Zurich, ainsi que l’enquête bisannuelle GAYSURVEY conduite par l’Université de Lausanne confirment l’état de santé comparativement moins bon des homosexuels, voire une détérioration de la situation ces dernières années, notamment dans le domaine de la santé mentale. Les jeunes homosexuels affichent des taux de tentatives de suicides et de suicides aboutis nettement plus élevés que les jeunes hétérosexuels. Il est avéré que cette situation est en lien avec les problèmes de coming out et de discrimination par les autres jeunes et par une partie de la population.
Un meilleur soutien psychosocial
Voici cinq ans que l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) apporte son soutien aux «Checkpoints» de Zurich et de Genève. Il s’agit de centres d’accueil offrant des conseils sur le VIH et d’autres IST, des possibilités de dépistage et un accompagnement des gays. Depuis la publication de l’étude «Santé Gaie», les Checkpoints ont décidé d’élargir les offres exclusivement orientées sur la santé pour y ajouter des éléments de promotion de la santé, par exemple dans le domaine psychosocial. Cette évolution doit se poursuivre et prévoit un réseau de cinq centres de santé pour gays à Bâle, Berne, Genève, Lausanne et Zurich. L’objectif est d’offrir aux quelque 5% de gays de la population masculine de Suisse une offre large de prévention et de promotion de la santé favorable aux homosexuels. Tout comme les femmes préfèrent se rendre chez des gynécologues femmes, les gays préferent fréquenter des centres qui leur sont favorables parce qu’ils s’y sentent mieux et qu’ils y trouvent la plupart du temps une meilleure connaissance de leurs besoins et une plus grande compréhension de leur situation.
Un bon début au Checkpoint Zurich
Sous quelle forme ces centres de santé pour homosexuels pourraient-ils fonctionner? Le Checkpoint Zurich a déjà accompli de grands progrès en ce sens et mis en place de nombreuses offres intéressantes susceptibles de servir de modèles à d’autres centres.
– Voluntary Counselling and Testing (VCT): le Checkpoint Zurich est l’un des douze centres en Suisse à proposer un test rapide sur base volontaire ainsi qu’une estimation des risques, un conseil et un accompagnement par le biais d’un outil Internet harmonisé.
– Queer+: au cours de cet atelier-weekend de trois jours, les hommes gays qui viennent d’apprendre leur séropositivité et leurs partenaires trouveront un soutien et des informations sur différentes questions: médecine/thérapie, droit, assurances et problèmes psychosociaux. L’objectif de ce cours est que les personnes concernées et leurs partenaires parviennent à mieux aborder leur contamination et les nouveaux défis qu’elles devront affronter au quotidien. De plus, les participants apprennent comment empêcher la transmission du VIH et des IST et préserver leur santé. L’évaluation du premier atelier-weekend (voir article dans spectra n° 77) a montré que ce type d’offre répond à un réel besoin. Toutefois, si le cours a souvent été très bien évalué sur le moment, sa pérennité dans le quotidien a été moins satisfaisante.
L’évaluation de «Queer+» a donné lieu à la création d’une série d’offres à bas seuil pour gérer sa séropositivité:
– Queer-Talk est une offre pour la santé mentale et une éventuelle indication vers une psychothérapie.
– KISS est une offre de groupe visant un usage contrôlé des drogues. En effet, de nombreuses contaminations du VIH et d’autres IST ont lieu sous l’influence de drogues.
– Groupe «Queer Help»: dans ce groupe, des experts, eux-mêmes séropositifs, encouragent des gays fraîchement diagnostiqués séropositifs à devenir eux aussi des experts de leur propre infection. Pour d’autres maladies chroniques, l’autogestion thérapeutique est plus simple. Un diabétique, par exemple, sent immédiatement si quelque chose ne va pas avec la thérapie. Il fait un test rapide et prend, si besoin, une dose supplémentaire de son médicament. Il n’en va pas de même avec le VIH. Lorsqu’un séropositif oublie de prendre son médicament, il ne sent rien. Il ne peut pas faire d’auto-test ni modifier lui-même son traitement. Or, l’efficacité du traitement diminue rapidement si les médicaments ne sont pas pris régulièrement. C’est pourquoi une application sur iPhone, par exemple, pourrait rappeler aux personnes séropositives qu’elles doivent prendre leurs médicaments et se faire contrôler à temps.
Quelques offres de santé du Checkpoint Zurich s’adressent aussi à des gays non infectés:
– «Du-bist-Du»: dans ce projet, des jeunes homosexuels soutiennent, selon l’approche «peer to peer», d’autres jeunes dans leur coming-out. Il s’agit de l’une des principales méthodes de prévention du suicide chez les jeunes gays.
– «Queer Quit»: ce projet de non-fumeurs a déjà aidé 60 gays à se libérer du tabac.
La plupart de ces offres ont un caractère nettement émancipateur. Cela signifie qu’elles transforment les personnes concernées en expertes pour elles-mêmes et pour d’autres. L’idée est que des participants au groupe «Queer Help» prennent la responsabilité du cours «Queer+» et l’organisent de A à Z de manière entièrement autonome. De même, les anciens fumeurs libérés du tabac grâce à «Queer Quit» devraient à leur tour diriger des cours de sevrage. L’expérience prouve que la confiance est plus grande entre pairs lorsqu’il s’agit de maîtriser des situations difficiles.
Contact
Martin Werner, Section Prévention et promotion, martin.werner@bag.admin.ch