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Jeunes toxicodépendants : groupe d’entraide pour les parents

Édition n° 117
Juin. 2017
Les proches

Addiction. Le dernier mercredi de chaque mois, les parents de jeunes toxicodépendants se rencontrent au centre Info-Entraide de Berne, à Bollwerk. Avant la réunion, spectra s’est entretenu avec les animatrices de deux groupes d’entraide, Ottilia Hänni et T. H., qui ont parlé de leur parcours et de leurs motivations. Pendant la réunion du groupe d’entraide « addiction », spectra a abordé avec onze parents le rapport de la société aux substances illégales et l’utilité de ces groupes sur le plan personnel.

Il fait encore jour lorsque Ottilia Hänni et T. H. nous accueillent. De la fenêtre du quatrième étage, où nous sommes conviés, on aperçoit le centre d’accueil Contact pour les personnes dépendantes et le toit de la Reitschule. Tout cela dans un mouchoir de poche, nous disonsnous alors que nous nous asseyons autour de la table ronde et entamons la discussion.

Animatrices et parents

« Il existe plus d’offres de soutien pour les proches qu’auparavant », confirme Ottilia Hänni, soulignant ainsi un changement positif survenu ces 30 dernières années dans le domaine de l’addiction. Toutes deux ont joué un rôle déterminant dans ce processus : Ottilia Hänni est animatrice du groupe d’entraide pour parents et proches de jeunes toxicodépendants, et T. H. s’occupe de celui pour les proches de patients souffrant de troubles de la personnalité limite et est membre du comité de la Fédération faîtière des associations régionales et locales de parents, partenaires et autres proches concernés par les problèmes liés à la drogue (VEVDAJ).

« Cependant, peu de choses ont changé. Les problèmes des personnes dépendantes et nos possibilités pour les aider ont peu évolué », d’après Ottilia Hänni Elle nous raconte alors son propre parcours. La drogue lui était totalement étrangère lorsqu’elle y a été confrontée pour la première fois, avec la dépendance de sa fille alors âgée de 16 ans. Un essai, comme l’espérait Ottilia Hänni, qui s’est transformé en une longue et triste histoire de sevrages, de mensonges et de déceptions.

Une rencontre, une fois par mois

Et aujourd’hui ? Sa fille est heureuse en ménage, a un travail et suit un programme de méthadone (un programme de substitution pour adultes dépendants aux opiacés). C’est cet espoir qu’ Ottilia Hänni souhaite transmettre aux participants du groupe d’entraide, même si le chemin est long. Comme c’est habituellement le cas dans les groupes d’entraide, les deux animatrices n’ont pas de formation spécifique : elles soutiennent les participants grâce à leurs expériences et leur ouverture d’esprit. « Tous les membres du groupe connaissent la stigmatisation vécue en tant que parent et le sentiment de culpabilité envers l’enfant dépendant. Les échanges permettent de bénéficier de l’expérience des autres. » La plupart du temps, la rencontre débute par les préoccupations particulières de l’un ou l’autre membre. « Parfois, les participants souhaitent tout simplement écouter, ils sont également les bienvenus », explique Mme T. H. La rencontre dure deux heures et a lieu une fois par mois.

Une petite obole est demandée pour la location de la salle. « Cela serait bien si la salle était à notre disposition gratuitement », regrettent les deux femmes. Parallèlement à son engagement dans le groupe d’entraide, Ottilia Hänni gère depuis 25 ans un service de distribution de nourriture pour les personnes toxicodépendantes. Elle est assistée par deux mères de famille, également membres du groupe d’entraide. Elle ne fait aucune publicité pour ce travail. « C’est dur de croiser fortuitement son enfant dans la rue », raconte-t-elle, d’après son vécu. Notre conversation touche à sa fin. T. H. va chercher les parents qui attendent le début de la rencontre. Nous pouvons rester pendant la première demi-heure d’échanges.

Début de la rencontre

À 19h30 précises, dix femmes et un homme s’installent autour de la table ronde. Ils ont entre 40 et 60 ans environ. De l'Argovie à l’Oberland bernois, il n’y a que ce groupe d’entraide, à Berne. Les parents de jeunes toxicodépendants viennent donc parfois de loin. Ils ont rejoint le groupe parce qu’ils y ont été incités par des professionnels, des connaissances ou par le biais d’Internet. Ils font partie du groupe depuis plus ou moins longtemps. Certains enfants dépendants sont devenus adultes entretemps ; plusieurs d’entre eux ont réussi à se défaire de leur dépendance. Les autres mènent une vie digne grâce à des programmes de substitution ou des remises d’héroïne. La maladie occupe les parents bien au-delà de leur devoir d’assistance. Pendant notre demi-heure de présence, l’utilité du groupe et le rapport de la société aux substances illégales sont au centre de la conversation.

Extraits La bonne humeur et une ambiance détendue règnent au sein du groupe bernois conduit par Ottilia Hänni. « On se comprend, puisqu’on sait tous de quoi on parle », répond une membre lorsqu’on lui demande pourquoi elle fait ce long trajet une fois par mois. Tous acquiescent. Ils sont liés par leurs expériences relatives aux nombreux soucis autour de leurs enfants. « Ici, personne n’est davantage accablé de culpabilité, on se sent tous assez responsables comme ça », dit un participant. « Le sentiment de culpabilité ne nous fait pas avancer, nous nous soutenons mutuellement pour dégager des perspectives dans les crises personnelles », répond un autre. « Nous rions aussi ensemble », ajoute un membre. « Je suis ici pour montrer aux parents qui sont nouvellement confrontés à cette situation une voie envisageable et porteuse de sens », continue-t-il.

Ensuite, la conversation glisse vers un autre sujet, plus sociétal. « Je ne comprends pas cette société : on offre des seringues propres, mais on ne demande pas d’où vient la substance. Et, dans la rue, la consommation est poursuivie pénalement. » Certains estiment que la légalisation atténuerait un de leur souci. Le temps passe vite, nous sommes fascinés par la conversation. De notre point vue, ce groupe d’entraide est bénéfique et mérite une reconnaissance sociétale. Nous remercions cordialement Ottilia Hänni et T. H. de nous avoir permis de participer à la rencontre et pour leur grande ouverture d’esprit face à l’addiction.

Le reportage a été réalisé par Luzia Inauen, stagiaire des hautes écoles dans la division Prévention des maladies non transmissibles, et Regula Rička-Heidelberger, section Politique nationale de la santé.

Fédération faîtière des associations régionales et locales de parents, partenaires et autres proches concernés par les problèmes liés à la drogue (VEVDAJ)

L’offre de groupe d’entraide pour parents de jeunes toxicodépendants passe par la fédération VEVDAJ. Cet organisme, neutre du point de vue politique et confessionnel, regroupe des parents et des proches de Suisse alémanique, italienne et, en partie, romande. Il a été fondé en 1986 à Soleure. Le groupe d’entraide de Berne existe depuis 1976. À cette époque, il n’y avait pas d’offres de soutien spécifiques pour les parents. Le premier centre d’accueil pour toxicodépendants a été ouvert à Berne en 1986. Actuellement, trois groupes d’entraide se consacrent aux parents d’enfants toxicodépendants dans toute la Suisse : ils sont à Berne, Zurich et Aarau. Chaque groupe se rencontre une fois par mois. Le but de ces associations est de construire un réseau de groupes d’entraide dans d’autres régions. Plus d’informations sur : www.vevdaj.ch

Contact

Mirjam Weber, section Stratégies de prévention, mirjam.weber@bag.admin.ch

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