« Nombre de doutes subsistent, nous ne savons pas si des solutions uniformes constitueraient la meilleure option. » – « On ne pourra pas éternellement exiger des travailleurs qu’ils financent à eux seuls la politique familiale. »
Juin. 2017Les proches
Entretien. Entretien avec Daniella Lützelschwab de l’Union patronale suisse et Valérie Borioli Sandoz de Travail. Suisse. Nos interlocutrices donnent leur avis sur les mesures prévues par la Confédération dans le « Plan d’action de soutien et de décharge en faveur des proches aidants » et dans le programme de promotion « Offres visant à décharger les proches aidants 2017–2020 ». Quelles sont les mesures déjà en place ? D’autres dispositions sontelles nécessaires ? À quel niveau les employeurs et les employés doivent-ils trouver des solutions qui conviennent à tous ? Voilà les thèmes que nous avons abordés.¶
spectra: Que pensent les associations d’employeurs et de travailleurs des mesures prévues pour décharger les proches aidants ?
Valérie Borioli Sandoz, Travail.Suisse: Les associations des travailleurs sont concernées de près par ce sujet puisqu’elles sont chargées de représenter les intérêts des salariés. Nous y serons tous plus ou moins confrontés un jour, que ce soit en tant que parent, enfant ou partenaire, lorsqu’un de nos proches aura besoin d’aide ou de soins. Et le vieillissement de la population ne fait qu’amplifier le phénomène.
Mais les salariés dialoguent peu avec leurs employeurs sur leur rôle en tant que proches aidants. Lorsqu’il s’agit des enfants, oui ; mais moins lorsqu’il s’agit d’un proche comme le conjoint, le partenaire ou les parents. Les entreprises ne découvrent souvent que très tard les problèmes de leurs collaborateurs ; en fait, lorsqu’ils sont à bout et qu’ils n’arrivent plus à gérer la situation. Il faut d’abord développer cette culture du dialogue ; c’est essentiel. Les salariés doivent aborder leurs difficultés dès qu’elles se présentent ; ils ne doivent pas attendre d’être en pleine crise pour demander un aménagement de leur temps de travail.
En plus, nous nous intéressons beaucoup au cadre juridique ; nous pensons qu’il est insuffisant. Par exemple, un collaborateur dont l’enfant est malade peut prendre jusqu’à trois jours de congé payé pour s’occuper de lui. Par contre, cette possibilité n’existe pas s’il s’agit d’un de ses parents. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Le travail d’information et de sensibilisation qu’il faudra fournir avant de pouvoir changer le cadre légal est immense. Toutes les parties concernées doivent pouvoir s’exprimer ; ce n’est qu’ainsi que nous trouverons ensemble les moyens et les solutions pour gérer cette problématique
Daniella Lützelschwab, Union patronale suisse: Je rejoins l’avis de Mme Borioli sur plusieurs points. À commencer par l’évolution démographique. Le nombre de personnes âgées va croissant. De plus en plus, comme elles sont en bonne santé, elles souhaitent rester à la maison. Mais à partir d’un certain âge, elles finissent par avoir besoin d’une aide parce qu’elles tombent malades ou qu’elles ont besoin de soins.
Lorsque l’on parle d’employeur, il faut d’abord en définir le profil type. Selon le recensement (jusqu’à 2008) réalisé par l’Office fédéral de la statistique en 2010, 87 % des entreprises comptent neuf salariés au maximum, et près de 10 % en emploient jusqu’à 49. Autrement dit, 97 % sont des petites entreprises. Et il faut savoir qu’une petite structure ne dispose pas des mêmes moyens qu’une grande entreprise pour organiser un remplacement de dernière minute ou pour financer l’engagement d’un externe. Indépendamment de cela, les employeurs ont la volonté de soutenir leurs salariés. Mais ils souhaitent intervenir en amont, pas au dernier moment lorsque l’employé ne peut plus assumer toutes ses tâches.
Comment les entreprises peuvent-elles soutenir les collaborateurs qui s’occupent de leurs proches ? Que font-elles déjà aujourd’hui ?
Lützelschwab: Tout d’abord, cela dépend de l’investissement pour le salarié : le collaborateur souhaite-t-il se rendre deux à trois fois par semaine chez son père pour lui préparer ses repas ? Doit-il aider son père à se lever le matin et aménager ses horaires pour arriver un peu plus tard au travail ? Ou doit-il s’occuper d’une personne atteinte de démence plusieurs jours par semaine ? Dans ce cas, les soins et l’assistance à prodiguer prennent une autre dimension ; la charge d’un emploi à 100 % combinée à une tâche de cette ampleur, pendant deux, trois ou quatre ans, serait considérable. Vient ensuite la question de la faisabilité. Plusieurs solutions sont actuellement à l’étude ; elles pourraient impliquer un engagement financier recoulourd pour les employeurs. Il s’agit d’une approche délicate.
Dans les faits, chaque entreprise doit étudier la situation des employés concernés au cas par cas. Il n’est pas certain que le fait d’opter pour une obligation légale applicable à toutes les entreprises et uniforme pour tous les proches aidants soit la meilleure solution.
Borioli: C’est vrai, les cas de figure pour les proches aidants peuvent être très variés. La situation que vous décrivez, occuper un poste à 100 % et avoir un membre de la famille à charge, est extrêmement lourde à gérer. Et il n’y a pas que les tâches d’assistance. Un proche aidant doit aussi coordonner l’intervention des différents professionnels et régler les questions administratives avec les assurances sociales, par exemple. Tout ce travail demande beaucoup de temps également. C’est pourquoi il faut essayer de trouver avec l’employeur une solution pour aménager le temps de travail. Et je suis d’accord : chaque situation est différente, et chaque entreprise est différente ; mais il est quand même possible de fixer un cadre légal général.
Les dispositions en vigueur doivent être repensées en fonction du mode de vie actuel, sans pour autant balayer tout le système des assurances sociales. Je prends comme exemple le critère des 30 km : aujourd’hui, seules les personnes qui s’occupent d’un proche vivant à moins de 30 km de leur domicile ont droit à une bonification pour tâches d’assistance. Quand on pense à la mobilité aujourd’hui et aux distances toujours plus longues entre notre lieu de travail et notre domicile, ce critère n’a plus lieu d’être. La conseillère nationale Christine Bulliard-Marbach avait soulevé ce point dans une initiative parlementaire. Elle demandait que la législation sur les bonifications pour tâches d’assistance prévues par l’AVS soient révisées parce que, comme je viens de le décrire, la réglementation prévoit des critères trop restrictifs.
Que pensent les associations de travailleurs et d’employeurs des dispositions légales prévues ?
Borioli: Il faut adapter certaines lois à la situation actuelle, tout en sachant que même si le cadre juridique était parfait, il ne pourrait pas remplacer le dialogue entre employeurs et salariés. Pour faciliter la tâche des entreprises toutefois, on pourrait penser à des critères comme la prévisibilité et la répartition des coûts. Grâce à l’initiative de Travail.Suisse et d’autres organisations, on parle beaucoup du congé paternité aujourd’hui. Si on répartit les coûts sur toutes les entreprises, la charge à supporter est moins lourde au niveau individuel. Du point de vue financier, cette solution déchargerait les entreprises, surtout les PME. Et ce principe conviendrait également pour le congé des proches aidants en cas d’urgence.
Lützelschwab: L’art. 36, al. 1, de la loi sur le travail tient compte de l’éducation des enfants jusqu’à l’âge de quinze ans mais aussi de la prise en charge de parents ou de proches exigeant des soins. Il existe donc une réglementation qui encadre légitimement les conditions de travail : l’art. 36, al. 2, définit si je suis tenu d’effectuer un travail supplémentaire ou comment je peux organiser ma pause de midi. Je peux ainsi rentrer à midi et cuisiner pour mon père. Je suis en droit de bénéficier de cet aménagement spécial : des dispositions légales régissent effectivement la tâche des proches aidants.
Mais la loi sur le travail ne règle pas la question du salaire...
Lützelschwab : C’est vrai ; dans ce cas, c’est l’art. 324a du code des obligations qui s’applique. Comme je le disais tout à l’heure, des prescriptions légales existent. Elles n’apportent peut-être pas toutes les réponses, mais nous disposons bel et bien d’un cadre juridique pour les proches aidants. C’est le premier point. Deuxième point : employeur et employé ne sont pas les seuls à devoir dialoguer. Ce dernier doit en parler avec ses collègues, notamment si la situation est appelée à durer un certain temps. L’équipe sera ainsi sensibilisée à la situation pesante du collègue et en sera d’autant plus compréhensive. Face aux collègues qui devront en plus assurer le remplacement, il ne s’agit pas de faire valoir que tel ou tel motif d’absence est plus important. Si la priorité est toujours donnée aux collègues parents ou s’occupant d’un proche et que les collaborateurs sans enfants ou qui ne sont pas des proches aidants sont toujours sollicités en cas d’urgence, cela peut entraîner une logique de démotivation. En l’occurrence, l’employeur doit veiller à ce que les conditions de travail restent équilibrées et à ne génèrent pas de ressentiment.
Encore un mot sur les coûts : il est vrai qu’un poids réparti sur les épaules de tous est moins lourd à porter au niveau individuel. À cet égard, de nombreux projets politiques sont déjà engagés : le congé paternité de quatre semaines, le congé parental de 24 semaines et le congé pour tâches d’assistance ; pour financer ces projets, les responsables demandent de recourir aux allocations pour perte de gain, qui s’établissaient par ailleurs à près de 90 millions de francs en 2016. Cette exigence est compréhensible. Toutefois, si les ressources ne suffisent pas, il faudra une fois de plus augmenter les cotisations salariales pour financer ces mesures. Pratiquement partout à l’étranger, cette problématique a semble-t-il poussé les entreprises à indemniser le congé pour tâches d'assistance par un montant symbolique ou en heures, voire même à ne prévoir aucune indemnité. Ces modèles sont donc rarement liés à l’obligation pour l’employeur de continuer à verser le salaire, comme l’envisage actuellement la Suisse. Ils consistent le plus souvent à mettre du temps à la disposition des proches aidants.
Borioli : N’oublions pas que nous vivons dans un « pays riche ». Question prestations sociales, il faut quand même avouer que la Suisse est relativement en retard par rapport aux autres pays européens. Prenons le congé parental. Augmenter légèrement les cotisations patronales et salariales serait dans l’intérêt de la communauté. Les entreprises ne seraient pas les seules à passer à la caisse, les employés apporteraient aussi leur contribution. On ne pourra pas éternellement exiger des travailleurs qu’ils financent à eux seuls la politique familiale. Pour eux, réduire leur temps de travail pour prendre soin de leurs proches constitue une lourde charge financière. Sans compter l’impact sur leur retraite. En travaillant à un taux plus bas, ils cotisent moins pour la prévoyance vieillesse et mettent moins de côté : ils devront donc s’en sortir avec une rente moins élevée et moins d’économies. Cette situation est donc lourde de conséquences.
Le conseiller national Stefan Müller-Altermatt a déposé une initiative qui suit une nouvelle approche intéressante : pour les proches aidants qui réduisent leur temps de travail, il propose que l’État compense la perte des cotisations de l’employeur au deuxième pilier. Le Conseil fédéral a accepté ce postulat pour vérifier si ce projet est réalisable. Nous avons besoin de solutions innovantes pour répondre à un problème qui se pose maintenant ; tout ne doit pas reposer sur les épaules des familles et des proches.
Selon vous, à quel niveau pourrions- nous encore fournir des efforts pour décharger les proches aidants ?
Lützelschwab: Je pense que l’information constitue une tâche primordiale. Où m’adresser en cas d’urgence, qui peut rapidement prendre le relais en cas d’incident si je ne peux pas quitter mon poste ? Le manuel PME du SECO contient ces informations ainsi que des exemples pratiques : certaines entreprises prennent contact avec les communes pour se procurer les coordonnées des services d’accueil et d’urgence et les communiquer à leurs collaborateurs, voire les appellent elles-mêmes en cas d’urgence. Les entreprises prennent conscience qu’il s’agit d’un besoin pour les salariés, qui ont souvent du mal à s’y retrouver dans le système.
Borioli: On a même déjà parlé de case management. Ce serait un service auquel les entreprises pourraient recourir pour gérer la situation en fonction des besoins de leurs collaborateurs. Prendre contact avec différents intervenants, les coordonner : cela demande beaucoup de savoir-faire et de temps. Nous pourrions tout à fait imaginer que les pouvoirs publics ou des sociétés privées se chargent de proposer ce service. Nous avons créé la plate-forme « Info Work + Care » à l’intention des salariés mais aussi des employeurs. Les proches aidants y trouveront tout un tas d’informations de base et d’astuces pour gérer la situation : comment régler les choses au travail, comment s’organiser en cas d’urgence. Avant toute chose, il faut soigneusement analyser la situation. On ne doit pas toujours rentrer à la maison pour voir si tout va bien.
Les cadres doivent-ils être davantage sensibilisés à cette thématique ?
Lützelschwab: Si les cadres ne sont pas informés, la situation peut, faute de compréhension, s’avérer difficile, en effet. Selon moi, il s’agit aussi d’un sujet d’ordre privé que le salarié ne pourra aborder que s’il dispose du courage et de l’ouverture d’esprit nécessaires. Il peut attendre de sa ligne hiérarchique qu’elle prenne ses préoccupations au sérieux et l’aide à trouver des solutions. Des solutions adaptées, qui ne sont pas forcément les mêmes d’une entreprise à l’autre. Chaque partie doit pouvoir faire valoir ses prétentions.
Borioli: C’est une bonne chose, mais ça ne suffit pas. Je sais bien qu’il n’est pas possible d’instaurer une culture d’entreprise compréhensible à partir de rien. Mais le cadre juridique doit être amélioré et être valable pour tout le monde : c’est le seul moyen de limiter les inégalités.
Croyez-vous que les mesures prévues pour pallier la pénurie de personnel qualifié dans le domaine de la santé pourront fournir une contribution durable? Qu’elles permettront plus souvent de retenir les professionnels dans le monde du travail malgré leurs impératifs familiaux ?
Lützelschwab: Les avis recueillis dans
les branches concernées nous montrent
qu’elles s’interrogent sur les prédictions
avancées concernant le manque de personnel
soignant. En comparaison internationale,
la Suisse dispose par habitant
du plus haut nombre de professionnels
des soins formés. Deuxième interrogation
: quelles sont les perspectives si l’on
compte sur les soins dispensés volontairement
par des proches non formés ?
Les activités de soins sont réglementées,
pour protéger les soignants, d’une part,
et les personnes qui reçoivent ces prestations,
d’autre part.
Dans ce cas, pourquoi ne pas offrir des
perspectives professionnelles aux personnes
non qualifiées qui s’intéressent
au métier et seraient aptes à exercer, en
leur proposant une formation à bas seuil
(par exemple, aides en soins et accompagnement
avec attestation de formation
professionnelle) ? On pourrait même
envisager que les professionnels de la
santé admis à titre provisoire en Suisse
bénéficient d’un encadrement linguistique
et culturel puis retournent sur le
terrain ou animent des formations
comme celles que je viens de mentionner.
Nous ignorons si les professionnels des soins cessent leur activité parce qu’ils ne parviennent pas à concilier leur métier et la prise en charge de leurs proches. Souvent, c’est parce qu’ils ont encore des enfants en bas âge qu’il leur est difficile de s’organiser de manière optimale.
Nous doutons sérieusement que les mesures présentées par le Conseil fédéral puissent remédier durablement à la pénurie de personnel dans le domaine de la santé.
Borioli: Il y a peut-être aussi une question de salaire et de valorisation du travail. En Suisse, de nombreuses personnes occupent un poste dans les soins mais finissent vite par abandonner la profession. Réfléchissons un peu aux possibilités de conciliation avec la vie privée et aux conditions de travail. Sur ce point et au niveau du salaire, il reste encore beaucoup à faire pour le personnel disposant d’un bon niveau de formation. Est-ce que les mesures proposées sont la solution ? Il faut voir.
On observe une tendance dans les familles qui ont les moyens. Ils engagent temporairement des étrangers de Roumanie ou de Bulgarie. Le travail au noir constitue un gros problème, car les conditions de travail de ces employés ne sont absolument pas contrôlées. On peut parler d’une sorte d’esclavage moderne. Ces familles ne se rendent pas compte qu’elles deviennent de fait elles-mêmes des employeurs et que donc, comme tous les autres, y compris leur employeur, elles doivent respecter certaines règles.
Je sais que, dans certains cantons, l’organisation Caritas mène le projet In guten Händen. Il s’agit d’organiser, dans un cadre réglementé et contrôlé, le séjour de personnes venues de Roumanie pour travailler pendant trois mois en Suisse. Ces personnes ont suivi une formation dans les soins et travaillent déjà pour Caritas dans leur pays d’origine. Elles reçoivent un salaire équitable, et le recours à leurs services coûte autant qu’un placement en EMS. On respecte ainsi la volonté des personnes nécessitant des soins qui souhaitent rester chez elles aussi longtemps que possible. Cela permet d’économiser beaucoup d’argent dans le domaine des soins et de décharger les finances publiques.
Les salariés qui disposent de meilleures conditions pour prendre soin d’un proche restent plus longtemps dans l’entreprise, sont plus motivés et contribuent généralement à une bonne ambiance au sein de leur entreprise. Qu’en pensez-vous ?
Borioli : Je suis d’accord, bien évidemment. Lorsque les employeurs prêtent une oreille attentive aux problèmes de leurs salariés et qu’ils en tiennent compte, ces salariés sont plus enclins à rester dans l’entreprise.
Une politique familiale favorable aux travailleurs profite également à l’entreprise. C’est ce qu’a démontré une étude menée en 2005, sous la direction du département de l’économie, auprès de grandes entreprises comme la Poste ou la Migros. Les entreprises ont pu bénéficier d’un retour sur investissement de 8 %. Si l’on menait la même étude en englobant toutes les solutions proposées pour soutenir et décharger les proches aidants, je ne serais pas étonnée que le résultat soit tout aussi positif.
Lützelschwab : C’est vrai, je pense que certains salariés qui apprécient fortement la démarche de leur employeur peuvent être incités à rester plus longtemps dans une entreprise. Toutefois, il y a aussi des personnes qui sont très reconnaissantes mais qui changent d’employeur lorsqu’une nouvelle opportunité se présente. Et c’est tout à fait normal.
Ce qui compte surtout dans ce contexte, c’est le traitement des collègues qui ont pris le relais pendant leur absence. S’ils ne sont pas informés dès le début ni associés à la démarche, l’ambiance finit toujours par en pâtir. Dans une entreprise, tous les collaborateurs doivent adhérer à la culture qui vise à accepter les absences de leurs collègues proches aidants. Si seuls certains la partagent, d'autres pourraient avoir l’impression d’être toujours perdants. Et ces salariés décident tôt ou tard de partir. Les coûts d’engagement que vous avez épargnés d’un côté sont alors perdus et doivent être réinvestis suite au départ de ces personnes.
Plus la situation dure, plus la combinaison des besoins à contenter devient complexe ; et au sein d’une même entreprise, tout le monde doit comprendre et accepter ces différents besoins. Là est l’objectif, mais il ne s’agit pas d’une mince affaire.
Borioli : C’est vraiment une question de culture d’entreprise. Je pense à un exemple très parlant qui nous a été présenté lors d’un séminaire de l’institut de recherche Careum sur « comment concilier activité professionnelle et assistance aux proches ». Le directeur de DM Bau SA, Mark Mislin, lui-même touché par un cas dans sa famille, a instauré une politique du personnel et une culture d’entreprise très ouvertes à ce sujet. Il peut ainsi compter sur des collaborateurs très loyaux et motivés.
Les proches aidants sont-ils en majorité des femmes ou les hommes assument-ils également cette fonction ?
Borioli: Ce sont en majorité les femmes qui prodiguent des soins à leurs proches, mais les hommes ne sont pas totalement absents. Beaucoup moins d’hommes réduisent leur taux d’activité pour s’occuper d’un proche, mais ça arrive. Ils font plutôt d’autres choses, les tâches administratives, par exemple. Mais cela prend aussi beaucoup de temps. Au final, toute aide est la bienvenue, peu importe de quel type.
Lützelschwab: Je pense aussi qu’hommes et femmes assument des tâches différentes. Aujourd’hui, ce sont encore plutôt les femmes et les mères qui s’occupent des enfants, des parents, etc. Il semblerait que l’idée selon laquelle il est plus facile pour une femme d’assurer des soins que pour un homme soit toujours très répandue.