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La santé, une histoire d’argent?

Édition n° 81
Jui.. 2010
Déterminants sociaux de la santé

Déterminants sociaux de la santé. L’argent ne fait pas la santé, mais il y contribue. Ce détournement d’un célèbre dicton décrit avec pertinence le principe des déterminants sociaux de la santé. Des conditions de vie et de travail privilégiées permettent d’espérer une vie plus longue et une meilleure santé.

Comment expliquer le rapport entre l’inégalité dans les conditions de vie et de travail et la santé? Y a-t-il un lien de cause à effet? Si oui, où est la cause et où est l’effet? «La pauvreté rend malade» devient le mot-clé. La maladie peut aussi rendre pauvre.

Plus le niveau est élevé, meilleure est la santé
Cette affirmation peut servir d’explication à la notion de «déterminants»: les conditions de vie influencent ou ‘déterminent‘ la santé. La parenté des termes «déterminant» et «déterminisme» ne doit toutefois pas donner l’impression que cette influence est si forte que, finalement, tout est prédéterminé. Au niveau individuel, la vie peut souvent prendre une autre tournure que celle esquissée par la recherche pour le collectif. La recherche fournit d’ailleurs un autre élément qui peut paraître étonnant de prime abord, à savoir un gradient social: chaque échelon gravi vers le haut de l’échelle sociale améliore les chances d’une vie longue et en bonne santé. La formation, la position professionnelle et le revenu sont les critères les plus fréquemment étudiés, mais la santé est en relation avec de nombreux autres déterminants, matériels, structurels, culturels et individuels.

Répartition inégale des handicaps et des ressources
Le modèle habituel d’explication des liens entre les inégalités sociale et sanitaire (voir illustration) part du principe que l’inégalité sociale conduit à une inégalité devant la santé et en matière de ressources. Concrètement, toutes les inégalités jamais subies et toutes les ressources existantes se regroupent en un «paysage» dans et autour de chaque individu et l’influencent. On sait aujourd’hui que des vicissitudes vécues à différents moments de la vie ont une influence différente, et que celles remontant au développement fœtal et à la petite enfance sont particulièrement marquantes. On sait aussi que la situation des parents peut se reproduire chez les enfants. Les enfants ont donc des conditions de départ différentes dans la vie non seulement au niveau social, mais aussi au niveau de la santé.
Si l’on se réfère au modèle, la santé peut être directement perturbée par des déséquilibres d’origines diverses. Ainsi, le fait d’habiter près d’une route très fréquentée et l’exposition à une atmosphère polluée peuvent provoquer une affection pulmonaire. Mais les déterminants influencent très souvent aussi indirectement le mode de vie. La responsabilité d’un mode de vie «sain» n’incombe pas exclusivement à l’individu. Les conditions de vie, les règles et structures sociales, culturelles et politiques jouent également un rôle déterminant.  

Pas d’égalité devant les soins
Les ressources, mais aussi des différences au niveau des soins – préventifs, curatifs ou de réhabilitation – influent sur l’état de santé, car les soins peuvent être inégaux selon le statut social. Souvent, en effet, une personne au statut social modeste devra vaincre un seuil plus élevé pour recourir à des prestations, que ce soit par méconnaissance de l’offre existante ou pour des raisons financières. L’inégalité touche aussi la qualité de la communication et peut, dans le pire des cas, conduire à de graves malentendus et difficultés dans la collaboration avec le patient.

La recherche se concentre sur la prévention
Le modèle mentionné est simplificateur par nécessité. En effet, les interactions entre les domaines ne sont pas à sens unique mais très souvent réciproques, y compris au sein d’un même domaine. L’importance reconnue aux déterminants de la santé fait qu’ils sont désormais très étroitement intégrés dans les offres de prévention et de promotion de la santé et qu’ils font l’objet de nombreuses approches de recherche, illustrant chacune des aspects particuliers. Il peut s’agir de la notion de «sens de la cohérence» qui se penche sur les modèles internes du maintien de la santé. L’étude des conditions de travail des personnes fera ressortir la notion de «crises de gratification» qui apparaissent lors d’un décalage entre la rémunération et les efforts fournis. Un autre volet important est la «culture sanitaire» (health literacy) qui souligne la maturité des individus face à leur santé. La liste n’est pas exhaustive. Chaque approche se justifie et contribue notablement à une acception globale des facteurs d’influence autour de la santé. La question principale est, dès lors, de savoir comment améliorer encore la santé d’une population.

Écart de la fourchette socio-économique, «thermomètre» social
Posons pour terminer la question provocante de savoir ce qui justifie la nécessité de modifier les conditions sociales pour que les personnes défavorisées obtiennent de meilleures chances face à la santé. Ne suffirait-il pas que les conditions des personnes les mieux loties continuent de s’améliorer pour que la santé moyenne de la population soit meilleure? Bien sûr, cette thèse est erronée. Il est désormais démontré, pour la Suisse aussi, que plus la répartition de la prospérité est inégale, plus la mortalité de la population d’une commune est élevée. En d’autres termes, il ne faut pas viser une prospérité plus élevée en moyenne mais aussi équitable que possible.

Contact

Dr. med. Monika Diebold, directrice de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan), monika.diebold@bfs.admin.ch

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