Travail de médiation: un long chemin jusqu’au succès
Jui.. 2010Déterminants sociaux de la santé
Forum Noël Tshibangu. Dans la prévention du VIH/sida, le travail de médiatrice et de médiateur repose sur une méthode d’intervention du type «peer-education», c’est-à-dire qu’il s’agit d’une intervention sociale conduite par des membres du groupe cible. Le travail de médiation est ainsi, par essence, orienté groupe cible. Apparu-e-s en Suisse dans les années 90, les médiateurs et les médiatrices sont impliqué-e-s dans divers secteurs de la santé, notamment dans les groupes de migrant-e-s. Au fil des ans, cette approche s’est à la fois fortement modifiée et affinée. Dans le domaine de la prévention du VIH, le travail des médiatrices et des médiateurs a fait ses preuves depuis longtemps et fait désormais partie intégrante du dispositif d’intervention existant.
L’organisation du travail des médiatrices et des médiateurs dans le domaine du VIH/sida incombe à l’Aide Suisse contre le Sida. Quelque 65 personnes y travaillent dans neuf cantons, effectuant selon le canton jusqu’à 25 heures par mois. Aujourd’hui, les descriptions de poste et de fonction ainsi que les cahiers des charges sont bien définis. Les groupes cibles des interventions sont déterminés à partir de critères clairs tels que la prévalence du VIH dans un groupe et d’après les chiffres d’incidence en Suisse. Les méthodes et mesures d’intervention dans le travail des médiatrices et des médiateurs reposent sur le profil socioculturel d’un groupe cible comme les langues parlées, les formes les plus fréquentes et les canaux de communication, l’accessibilité ainsi que les formes de l’organisation sociale du groupe.
La traduction des messages et des connaissances dans les différentes langues des groupes cibles est une mission essentielle des médiatrices et des médiateurs. Le travail ne porte toutefois pas uniquement sur les langues vernaculaires mais aussi sur les expressions techniques et le jargon des spécialistes. Il s’agit donc d’une médiation bidirectionnelle et réciproque entre le groupe cible et les professionnels. Les médiatrices et les médiateurs sont également chargé-e-s de transmettre des compétences, d’identifier et de faire vivre des réseaux, d’entretenir des contacts avec des personnes clés des différentes communautés, et de participer à l’élaboration et à l’organisation d’interventions dans un groupe cible.
La situation aujourd’hui positive est le fruit d’un long développement. Il y a 20 ans, on ne connaissait guère le travail de médiation, et ce flou permettait les interprétations les plus diverses de la fonction des médiatrices et des médiateurs. On les considérait avant tout comme des auxiliaires et des soutiens pour les professionnels de santé, c’est-à-dire comme des personnes détenant un «savoir culturel». Ils/Elles exerçaient leurs activités le plus souvent à titre bénévole et rares étaient celles et ceux qui recevaient une rémunération dans le cadre du projet.
Mais déjà des aspirations importantes étaient formulées, qui ont conservé jusqu’à ce jour leur importance pour le travail de médiation. Le rapport d’activité 1993–1995 sur le Projet Migration de l’OFSP préconisait de confier la prévention du sida de plus en plus à des multiplicateurs. Le rapport soulignait également la nécessité d’organiser des formations initiale et continue, de mettre les emplois sous contrat, d’intégrer le travail de médiation dans les structures cantonales etc., autant d’étapes importantes pour la motivation et la reconnaissance du travail des médiatrices et des médiateurs. Réflexions visionnaires ou utopiques?
Il est ensuite apparu nécessaire de différencier les médiateurs et les multiplicateurs. Dans le rapport d’activité suivant (1995–1997) les auteur-e-s tentaient une séparation analytique et une différenciation théorique des rôles de «médiateur» et de «multiplicateur».
Depuis 2004, la responsabilité de la formation initiale et de la formation continue des médiatrices et des médiateurs dans le secteur du VIH/sida incombe à l’Aide Suisse contre le Sida (ASS). Les offres de l’ASS font partie intégrante de son concept de formation initiale et continue d’experts dans le système suisse VIH/sida. A cet effet l’ASS a développé des plates-formes électroniques d’apprentissage, opérationnelles depuis des années. La pratique a donc évolué et, avec elle, le discours professionnel sur le travail des médiatrices et des médiateurs.
Aujourd’hui, le travail de médiation joue un rôle essentiel dans la prévention auprès des groupes de migrant-e-s en Suisse. Son financement durable, voire une augmentation de son financement, demeure néanmoins un défi majeur. Par ailleurs, il serait souhaitable que des supervisions régulières viennent compléter les offres dans ce domaine.
Noël Tshibangu,
responsable de projet, Aide Suisse contre le Sida