Aspects juridiques du traitement de substitution
Mai. 2013Politique de la santé
Dépendance. Le traitement de substitution des personnes dépendantes aux opioïdes doit être appréhendé d’un point de vue juridique comme une forme particulière de traitement médical, et non pas comme une mesure ordonnée judiciairement. Une étude du Professeur Olivier Guillod, directeur de l’Institut de droit de la santé de l’Université de Neuchâtel, compare la situation dans les quatre pays francophones Belgique, France, Québec et Suisse.
exige le plus souvent une autorisation étatique pour entreprendre un traitement de substitution et règle de manière détaillée ses modalités. Le cadre normatif fixé par le droit ne représente qu’un élément parmi d’autres qui conditionnent la réponse d’une société à une problématique comme celle de la prise en charge des personnes toxicodépendantes, écrit le Professeur Guillod dans sa conclusion. Mais, dès l’instant où un pays adhère au modèle des quatre piliers, il reconnaît la nécessité d’offrir aux personnes souffrant d’addiction des traitements appropriés. Or, il ne fait médicalement aucun doute aujourd’hui que les traitements de substitution doivent faire partie de cet arsenal thérapeutique. Par une réglementation souple et faisant confiance aux professionnels de la santé impliqués, le droit devrait plus clairement encourager les bonnes pratiques cliniques fondées sur des preuves scientifiques et libérées des peurs et des fantasmes qu’éveille encore dans la société la consommation de substances dites illicites.
La garantie d’accès aux traitements de substitution
Les quatre pays étudiés ont tous ratifié le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pacte I), du 16 décembre 1966, élaboré sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies (ONU). L’article 12 du Pacte I prévoit que «Les Etats parties au présent pacte reconnaissent le droit à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu’elle soit capable d’atteindre».
Compte tenu des connaissances accumulées par la médecine des addictions, les Etats ayant ratifié le Pacte I ont l’obligation d’offrir aux personnes dépendantes aux opiacés la possibilité de suivre un traitement de substitution. Ces personnes souffrent en effet d’une atteinte à leur santé et jouissent du droit aux soins à l’égal de toute autre personne atteinte dans sa santé physique ou psychique. Il appartient donc à chaque Etat, selon ses ressources, de leur offrir des thérapies ayant fait leurs preuves du point de vue médical, parmi lesquelles figurent, indiscutablement aujourd’hui, les traitements de substitution.
Le respect de l’autodétermination du patient
Pour la personne toxicodépendante, le principe d’autodétermination signifie qu’il lui appartient de choisir si elle veut se soigner et, dans l’affirmative, quel traitement elle accepte ou refuse. Ce droit à l’autodétermination n’englobe cependant pas la possibilité d’exiger une forme de traitement qui ne répondrait pas aux règles de l’art. Le traitement de substitution entre naturellement dans les options que le patient peut choisir, puisqu’il correspond aux règles de l’art, est efficace, ne présente pas de risques excessifs et n’a pas un coût exorbitant.
La réglementation du traitement de substitution s’inscrit généralement dans le cadre complexe de la législation sur les produits thérapeutiques et de celle sur les stupéfiants. L’esprit de ces deux types de législation n’est souvent pas le même: la première adopte résolument une perspective de santé publique, alors que la seconde est, dans bien des pays, influencée, aujourd’hui encore, par l’approche répressive traditionnelle vis-à-vis des drogues.
Un traitement soumis à autorisation étatique
En Suisse et au Québec, le contrôle de l’emploi licite de stupéfiants est assuré au moyen d’un régime d’autorisation délivré par une autorité étatique. En France, seuls les médecins des Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) peuvent obtenir une autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé pour détenir, contrôler, gérer et dispenser les médicaments. En Belgique, les centres spécialisés doivent également détenir une autorisation, mais pas les médecins exerçant en cabinet privé.
Le traitement ne peut, généralement, être administré qu’avec certains produits. Par exemple en Suisse, seuls la méthadone, la buprénorphine, la diacétylmorphine et les benzodiazépines peuvent être prescrits dans le cadre des traitements de substitution autorisés. La réglementation légale en France et en Belgique ne s’applique qu’à la méthadone et à la buprénorphine. Au Québec, la méthadone est actuellement le seul stupéfiant autorisé pour le traitement de la dépendance aux opiacés. Dans ces pays, la prescription de benzodiazépines reste cependant autorisée par les règles générales.
Un traitement appliqué par certains professionnels
Les réglementations nationales posent en général aussi des conditions aux professionnels de la santé et aux institutions susceptibles d’administrer un traitement de substitution.
Par exemple en France, la primoprescription de méthadone ne peut être effectuée que par des médecins exerçant dans des établissements de soins ou des CSAPA. En Belgique, tout médecin qui prescrit des traitements de substitution à plus de deux patients simultanément doit être enregistré auprès d’un Centre d’accueil agréé, d’un réseau de prise en charge pour usagers de drogue agréé, ou encore d’un centre spécialisé agréé. Au Québec, il existe une liste des médecins autorisés à prescrire de la méthadone, ainsi qu’une liste des pharmaciens offrant le service. En Suisse, la diacétylmorphine peut être prescrite uniquement par un médecin spécialisé et dans une institution appropriée. Les réglementations belge et suisse insistent en outre sur les qualifications professionnelles requises des médecins prescrivant des traitements de substitution et sur leur obligation de formation continue.
Un traitement appliqué selon certaines règles
Les diverses réglementations nationales posent aussi des exigences liées au traitement lui-même, qui varient fortement d’un pays à l’autre. Ces exigences portent notamment sur les modalités du traitement et sur les contrôles à effectuer par les professionnels de la santé.
Les réglementations cantonales en Suisse ne sont pas uniformes non plus, par exemple en ce qui concerne les contrôles d’urine demandés aux personnes toxicodépendantes suivant un traitement de substitution. Berne et Zurich exigent de tels contrôles (de même que le Québec et la France), contrairement à Neuchâtel.
Au surplus, les traitements de substitution avec prise de méthadone et de buprénorphine font l’objet de recommandations cliniques de la Société suisse de médecine de l’addiction (SSAM). Elles seront présentées dans une édition ultérieure de «spectra».
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René Stamm, Section Drogues, rene.stamm@bag.admin.ch