Quand comprendre peut guérir
Mai. 2010La prévention est rentable!
Interprétariat communautaire. Surmonter les barrières linguistiques fait baisser les coûts de santé. Pour démontrer scientifiquement cet argument fréquemment utilisé au sujet de l’interprétariat communautaire, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a commandé une étude préliminaire sur le thème «Coûts et bénéfices de l’interprétariat communautaire dans le domaine de la santé».
Après avoir fui l’Iran au prix de grands périls, Fouad Mathari, a vécu en Suisse une nouvelle Odyssée: pendant six ans, il a erré de médecin en médecin pour faire traiter la détérioration de son audition et l’acouphène qui le minait jusqu’à ce que – grâce à une interprète communautaire – il a enfin été opéré. Aujourd’hui, son audition est parfaite, il se sent à nouveau un individu complet.
Devoir éthique – nécessité économique?
La Suisse compte actuellement quelque 200’000 personnes allophones telles que Fouad Mathari, c’est-à-dire des personnes qui ne sont pas en mesure de communiquer dans l’une des langues nationales courantes. Il s’ensuit des problèmes de compréhension entraînant des conséquences négatives importantes qui pourraient être évitées grâce aux interprètes communautaires. Leur intervention dans le domaine de la santé est nécessaire non seulement pour des raisons médicales, mais aussi pour des raisons éthiques (p. ex. égalité des chances dans l’accès aux prestations médicales) et pour des raisons juridiques (p. ex. obligation d’explication avant les interventions médicales). Enfin, des arguments économiques parlent également en sa faveur.
Présentation des chaînes causales
Pour démontrer l’argumentation économique, l’OFSP a chargé le Bureau d’études de politique du travail et de politique sociale (BASS) de réaliser une étude préliminaire sur le thème «Coûts et bénéfices de l’interprétariat communautaire dans le domaine de la santé» dont les objectifs sont les suivants:
– présentation qualitative des relations causales expliquant les coûts et les bénéfices de l’interprétariat communautaire (rapport sectoriel I);
– illustration des bénéfices de l’interprétariat communautaire dans le domaine de la santé à l’aide de trois exemples concrets tels que celui de Fouad Mathari (rapport sectoriel II);
– évaluation de la faisabilité et élaboration d’un concept pour une éventuelle analyse quantitative du rapport coûts-bénéfices (rapport sectoriel III).
Dans le rapport sectoriel l (rapport principal) les auteurs expliquent en particulier les principaux liens de cause à effet ainsi que les facteurs de coûts et de bénéfices. Ils soulignent que, compte tenu de l’actuel sous-approvisionnement médical de la population allophone, l’offre d’interprétariat peut entraîner, outre les coûts directs (main d’œuvre, coordination et frais administratifs), une «expansion quantitative», c’est-à-dire un recours accru aux prestations médicales et, donc, une augmentation des coûts. Cette expansion apparaît en particulier lorsqu’une meilleure compréhension permet le recours à des examens préventifs ou l’élargissement du spectre des traitements envisageables. Définir toutefois cette situation comme coûts de l’interprétariat communautaire reviendrait à justifier une médecine à deux vitesses: les allophones, contrairement aux autochtones, n’auraient pas droit à un diagnostic différencié reposant sur les investigations médicales nécessaires à cet effet.
Au nombre des avantages apportés par l’interprétariat communautaire on trouve le gain d’efficience, particulièrement visible dans les situations où les problèmes de compréhension entraînent un surapprovisionnement médical des patient-e-s allophones. Il peut s’agir, par exemple, d’hospitalisations ou d’une quantité d’analyses inutiles induites par une désécurisation du/de la professionnel-le de la santé qui ne comprend pas le/la patient-e allophone.
Pour les auteurs, l’amélioration de la santé, ou la possibilité d’éviter une évolution négative de la maladie et de ses coûts inhérents, constitue une utilité indirecte de l’interprétariat communautaire. L’interprétariat peut en effet permettre de commencer un traitement adéquat à temps ou aider les patient-e-s à mieux comprendre le sens et le déroulement de la thérapie qu’ils/elles suivront mieux et, ainsi, guériront plus vite.
Contact
Michèle Baehler, Programme national Migration et santé, michele.baehler@bag.admin.ch