Partager le savoir : la clé pour un diagnostic précoce du syndrome de Pitt-Hopkins
Mai. 2018Maladies rares
Forum. En août 2006, Alexis* est né avec un pouce raide. Nous l’avions remarqué, mais sans nous en inquiéter outre mesure. À l’âge de cinq mois, comme il louchait fortement, le médecin lui a fait porter un cache-oeil. C’était un bébé très calme : il ne s’agitait pas, ne nous suivait pas du regard, n’attrapait pas les objets. Une anomalie que nous avons attribuée à son problème oculaire.
Ce n’est que lorsqu’il a failli mourir d’une septicémie à pneumocoque, à dix mois, que les médecins se sont sérieusement penchés sur son cas, soupçonnant un problème de développement. Ils ont diagnostiqué une microcéphalie, une hypotonie, un strabisme, des signes de dysmorphie et un retard de langage. L’EEG a révélé un ralentissement des ondes cérébrales, signe d’un handicap mental. On nous a congédiés sur ces mots : « Votre fils est lourdement handicapé. Il ne pourra jamais s’asseoir ou marcher seul. »
En août 2010, un coup de chance a permis de diagnostiquer le syndrome de Pitt-Hopkins.
En août 2010, un coup de chance a permis de diagnostiquer le syndrome de Pitt-Hopkins (1). Le docteur Claudine Rieubland, de l’Hôpital de l’Île, à Berne, nous avait invités à présenter Alexis lors d’un colloque de généticiens. La discussion s’est notamment orientée sur certains cas qu’on ne parvenait pas à élucider. C’est là qu’est intervenu le professeur Anita Rauch, membre du groupe de recherche allemand qui a découvert, en 2007, la mutation du gène TCF4 respon-sable du syndrome, en même temps qu’une équipe française. Nous avons alors procédé rapidement à un test génétique, qui s’est révélé positif. Un immense soulagement.
Des tests ultérieurs ont indiqué que ni moi ni mon conjoint ne sommes porteurs du syndrome. Alexis ne l’a donc pas hérité de nous, et notre fils aîné ne doit pas craindre de le transmettre un jour à ses enfants. Un caprice de la nature, en somme !
Aujourd’hui, Alexis est un enfant heureux, qui court partout et fait de la trottinette. Il arrive même à communiquer plutôt bien, au moyen du langage des signes et d’un iPad.
Aujourd’hui, Alexis est un enfant heureux, qui court partout et fait de la trottinette. Il arrive même à communiquer plutôt bien, au moyen du langage des signes et d’un iPad. Tout cela contredit le verdict du médecin de l’époque, qui avait plongé dans le désarroi les jeunes parents que nous étions. La vie quotidienne reste une véritable épreuve, mais quel n’est pas notre bonheur quand nous voyons Alexis s’émerveiller sur de petites choses ! Nous avons créé un site internet (www. pitthopkins.ch) pour partager notre expérience et notre savoir avec les autres parents. Nous pensons que c’est notre devoir. Le forum accueille actuellement près de 25 familles touchées par ce syndrome, dont huit en Suisse, trois en Autriche, et le reste en Allemagne. On estime qu’il existe environ 2 500 cas à travers le monde. Par son travail de sensibilisation, l’Association pour les enfants atteints de maladies rares (Förderverein für Kinder mit seltenen Krankheiten) donne de la visibilité à notre cause. L’action politique de ProRaris est aussi un soutien précieux. Si les choses ont bougé ces cinq dernières années, il reste beaucoup à faire, surtout en matière d’information.
Si les choses ont bougé ces cinq dernières années, il reste beaucoup à faire, surtout en matière d’information.
Les professionnels (pédiatres, maternités, sages-femmes...) doivent être formés sur le syndrome, afin que le diagnostic puisse être rendu le plus tôt possible et les traitements (physiothérapie etc.) mis en place sans attendre. Ces derniers ont en effet une influence décisive sur le développement de l’enfant. Le partage d’informations entre les professionnels et les personnes at-teintes ou leurs proches est tout aussi crucial. Il n’est pas rare que j’en sache plus sur cette maladie que les médecins eux-mêmes. Nous attendons également des assureurs un allègement des formalités pour obtenir les moyens auxiliaires médicaux urgents. Enfin, j’aimerais que notre site web soit pris en main par un professionnel, afin d’en faire un véritable portail d’information. Car ce ne sont pas seulement les compétences techniques qui me manquent, mais aussi le temps.
*Lea Meier, mère d'Alexis
* Les noms ont été changés.
(1) Le syndrome de Pitt-Hopkins est une maladie génétique rare, causée par des mutations du gène TCF4 sur le chromosome 18. Principaux symptômes : handicap mental, troubles respiratoires, épilepsie et déficit, voire absence d’acquisition de la parole. Source : www.pitthopkins.ch