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«Les mesures de prévention doivent faire la part des choses entre la protection de la santé et la liberté économique.»

Édition n° 93
Jui.. 2012
Programmes nationaux de prévention

5 questions à Ursula Koch. Le Conseil fédéral a prolongé les programmes nationaux de prévention Alimentation et activité physique ainsi que Tabac et Alcool jusqu’en 2016. Que pense Ursula Koch, co-responsable de la division Programmes nationaux de prévention à l’Office fédéral de la santé publique de cette décision – et du rôle de la prévention dans notre société?

Le Conseil fédéral a décidé de prolonger les programmes nationaux de prévention Alcool, Tabac et Alimentation et activité physique. Est-ce pour vous un signe clair de l’importance que notre gouvernement accorde à la prévention?

La prévention est extrêmement importante, tant d’un point de vue sanitaire qu’économique. Le cancer, le diabète les maladies cardiovasculaires et res­piratoires sont de plus en plus fréquents. Combinées au vieillissement croissant de la population, ces maladies posent de grands défis au système de santé. Les maladies non transmissibles sont largement imputables au mode de vie, c’est-à-dire qu’il est possible de les éviter grâce à une activité physique accrue, à une alimentation équilibrée, à un renoncement à consommer du tabac et à une consommation d’alcool mesurée. Tel est précisément le point de départ des programmes nationaux de prévention qui contribuent, en réduisant les facteurs de risque, à la promotion de la santé publique. Ils sont très importants car ils nous permettent de vivre une vieillesse en bonne santé. Les programmes répondent à des normes internationales et chapeautent diverses activités de prévention à l’échelle suisse. Le gouvernement a reconnu l’importance de la prévention et mise sur une politique de prévention durable, en prolongeant les programmes.    

Quels sont les objectifs principaux fixés pour ces quatre prochaines années?

La prévention agit toujours sur le long terme. Les structures et les activités mises en place ces dernières années doivent donc être poursuivies pour garantir la continuité nécessaire. Dans notre système fédéraliste, la coordination des efforts de prévention fournis par un grand nombre d’acteurs de tous horizons représente un grand défi. La prévention touche tous les domaines et requiert une approche multi- et intersectorielle (planification du territoire, entreprises, formation, sport, trafic, sécurité, etc.). C’est pourquoi l’accent sera mis ces prochaines années avant tout sur la coordination des différentes activités et des acteurs, sur la mise en œuvre des dispositions de protection de la jeunesse ainsi que sur la promotion de projets dans les différents settings (écoles, entreprises, etc.). Au-delà, la sensibilisation et l’information de la population, ainsi que la qualité des offres de conseil et de thérapie restent une priorité importante.  
 

L’évaluation des programmes nationaux de prévention propose diverses optimisations. Quelles sont, à votre avis, les mesures d’amélioration prioritaires?

L’évaluation des programmes date déjà de quelques mois. De nombreuses recommandations ont été mises en œuvre: intégration du Fonds de prévention du tabagisme dans le pilotage stratégique du programme Tabac, adaptation des objectifs d’efficacité aux mesures des programmes Alcool et Alimentation et activité physique, renforcement de la collaboration avec les partenaires des programmes. Cette approche a permis d’étayer plus largement toutes les activités, les campagnes et les études depuis quelques années et de les mettre en œuvre avec nos partenaires. L’optimisation permanente de la collaboration ainsi que la promotion d’approches novatrices seront poursuivies.

Des intérêts économiques très solides – comme ceux de l’industrie du tabac et de l’alcool, mais aussi de l’industrie agro-alimentaire – s’opposent souvent à la prévention. Comment les programmes nationaux de prévention font-ils face?

La mission de l’Office fédéral de la santé publique est de promouvoir la santé de la population et, si besoin est, de la protéger. Il est clair que des conflits d’intérêts entre sanitaire et économie peuvent en résulter. C’est pourquoi les mesures de prévention doivent pouvoir faire la part des choses entre l’intérêt public de protéger la santé, et la liberté économique. L’économie a, elle aussi, intérêt à ce que les personnes soient en bonne santé, car la santé est une condition centrale de croissance et de productivité. C’est ainsi que nous collaborons étroitement, notamment dans le domaine des addictions, avec les entreprises. Dans le cadre du programme Alimentation et activité physique par exemple, l’industrie agro-alimentaire utilise la plate-forme «actionsanté» pour prendre des mesures visant à réduire la teneur en sel, en sucre ou en graisse dans les denrées alimentaires. Par ailleurs, nous avons des contacts réguliers avec les associations économiques.

On critique souvent la mise sous tutelle de la population par les trop nombreux avertissements dans le domaine de la santé. Comment atteindre des objectifs de prévention sans que les citoyens se sentent trop contrôlés et limités par le droit et l’ordre? 

La prévention vise à renforcer la culture sanitaire de la population et à influencer l’environnement de manière à rendre possible un comportement bénéfique à la santé. Seul celui qui est bien informé peut aussi véritablement décider. Mais pour mettre en œuvre le comportement qu’il souhaite, il faut que les conditions soient réunies. C’est comme si vous souhaitiez perdre du poids mais qu’il n’existe pas d’offres en denrées alimentaires saines (au supermarché ou à la cantine), ni de parcs ou pistes cyclables. Les mesures préventives sont donc multisectorielles et concernent, aussi bien le domaine de la santé, que la planification du territoire, l’offre en denrées alimentaires (p. ex. la restauration collective), la sécurité du trafic, ainsi que différents settings tels que les écoles ou les entreprises. Elles encouragent par ailleurs les offres de dépistage et d’intervention précoces dans le domaine des addictions. Les restrictions d’accès à des produits néfastes pour la santé, ou les interdictions n’existent que dans le domaine de la protection de la jeunesse ou de la protection de tiers, comme la loi sur la protection contre le tabagisme passif. Toutes les autres mesures reposent sur l’information de la population qui est ensuite libre de con­sommer ou pas le produit en connaissant l’impact sur sa propre santé.

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